Archives de catégorie : Blog-Notes

LIVRE/ YAHVE LA MOUSTACHE CHATOUILLEUSE DE CLAUDE LUEZIOR OU L’ANCIEN TESTAMENT REVISITE.

     Passionnant, le nouvel opus de l’écrivain fribourgeois Claude Luezior qui nous propose une exégèse et une façon de revisiter les textes de l’Ancien Testament en s’appuyant sur les Saintes Ecritures. L’Ancien Testament, déluge de violence selon l’exégète éclairé. Etonnant et détonant opus littéraire écrit d’une plume (en mode papyrus ?), alerte, sulfureuse et saupoudrée d’humour, avec toujours le regard distancié de l’érudit voire de l’homme de Dieu. Le Livre Saint y est décortiqué, épluché et analysé, l’auteur nous prévenant, en son liminaire : A nous de redécouvrir ces textes majeurs d’un très Ancien Testament avec l’éclairage tantôt étonné, tantôt stupéfié, mais toujours critique de la raison.

On se balade ainsi dans cette Histoire biblique qui raconte le grand commencement. Avec érudition, humour et une pointe de sarcasme, notre poète chatouille un Yahvé assez sanguinaire et atrabilaire qui terrasse ceux qui le titillent un peu trop. Ainsi, se moque-t-il de cette pomme croquée dans le jardin originel où les ennuis commencèrent pour la créature (indisciplinée) de Dieu : Et pour cerise ( !) sur le gâteau, le trépas, au bout d’une existence terrestre. Parce-que Dieu s’est vexé pour un larcin, pour une pomme pendouillant à l’Arbre de la Connaissance.

L’ouvrage est passionnant, Claude Luezior faisant office de cicérone dans cette généalogie labyrinthique où les personnages bibliques sont dotés d’un âge canonique à faire pâlir les prétendants à la retraite du XXIème siècle !

On se régale et sourit, tout en apprenant la genèse de l’histoire universelle. C’était hier, mais au temps de Mathusalem(âgé tout de même de 969 ans !)…

                                                                  ©  Laurent BAYART

Un Ancien Testament déluge de violence de Claude Luezior, Librairie-Galerie Racine – Paris, 160 pages, 2020.

BILLET D’HUMEUR / ACTE 143 / MA TERRE EN HABITS DE LUMIERE.

                                                                                     A Rémi Picand,

         En ces drôles de temps de confinement, quel bonheur de mettre des majuscules aux instants en allant fourrager laborieusement la terre de son jardin. Ecrivain, j’ai la sensation de glisser des mots sur les pages brunes et fécondes de cette terre retournée. Compost, paillage, déchets végétaux, purin et fumier  constituent de petites sonates en musique de chambre aérienne et aérée. Un zest chef d’orchestre, le jardinier avec sa fourche-bêche en guise de baguette de maestro ! Les (bonnes) vibrations du sol m’offrent la sérénité des travaux de saison dans l’ivresse des grandes froidures de l’hiver. 

Le temps pose ses guirlandes de sérénité dans l’infinie quiétude du jardinet.

J’aime ces instants précieux qui enchantent la lumière du jour. Le monde est si beau lorsqu’il nous rappelle à l’essentiel et à l’humilité de la simplicité des labeurs.

Sainte sueur et fatigue qui m’évitent – la nuit venue – de compter les moutons. 

J’y vois plutôt des lombrics effectuer leurs discrets ballets. Chorégraphes du monde majestueux du tout petit. 

Qu’on se le dise, la grâce n’est pas l’apanage des géants ! 

                                                                   © Laurent BAYART

                                              10 décembre 2020

BILLET D’HUMEUR / ACTE 142 / UBU DEVENU ROITELET DE LA PLANETE, BIEN VU MONSIEUR JARRY !

         Ah, il n’est pas la peine de tirer des plans sur la comète et de faire de longues digressions sur l’état de notre monde, il suffit – parfois et souvent…- de relire ses classiques qui constituent de pertinentes libelles du passé qui décrivent une manière de présent. Et voilà-t-y pas que je viens de me plonger dans le sublime délire de « Ubu roi » d’Alfred Jarry (1873-1907), qu’un de mes enfants avaient abandonné, après sa scolarité, dans ma bibliothèque (idéale !).  Eh, merdre !       

Rappelons que l’opuscule avait été mis en scène en 1888 par Jarry, avec ses camarades du lycée de Rennes, pour se moquer d’un professeur qui représentait « tout le grotesque qui fut au monde »…

Et finalement, force est de constater, que le grotesque ubuesque des situations nous rappelle cette planète en mode « fake news » qui marche sur le cervelet : A ta place, ce cul, je voudrais l’installer sur un trône. Tu pourrais augmenter indéfiniment tes richesses, manger fort souvent de l’andouille et rouler carrosse par les rues… A signaler, tout de même, que mes compères de la Confrérie éponyme pourront constater que l’andouille figure en plat de résistance dans l’assiette du Roi de Pologne ! Comme quoi, il n’était pas que grotesque, mais…gargantuesque en mode rabelaisienne ! 

En parcourant cette pièce de théâtre déjantée, on se régalera      des situations burlesques qu’elle engendre où l’absurde s’érige en pensée unique : Et les nouveaux impôts, monsieur Ubu, vont-ils bien ? Point du tout. L’impôt sur les mariages n’a encore produit que 11 sous, et encore le Père Ubu poursuit les gens partout pour les forcer à se marier…

Lecture vintage qui fait du bien, par les temps qui courent et qui boitent…Ubu, roitelet, reviens vite ! Nos contemporains sont devenus dingues ! Ils marchent sur leurs oneilles. 

Et la mère Ubu de lancer à son célébrissime mari pendable : Mais enfin, Père Ubu, quel roi tu fais, tu massacres tout le monde…

                                                                     © Laurent BAYART

* Ubu roi d’Alfred Jarry, Théâtre texte intégral, Librio, 2006.

BILLET D’HUMEUR / ACTE 141 / LE ROI DES FORETS EST A VOS PIEDS, LES (petits) ENFANTS !

photo Marie Bayart

         Vous voilà en train « d’enguirlander » le sapin de Noël, de lui offrir ses plus beaux atours en boules multicolores, lumières magiques et scintillantes. Tendresse des instants précieux à préparer cette fête de la nativité. Un ange passe, accroché au mur, qui veille sur ces petits lutins émerveillés que vous êtes. Dépositaires de nos traditions. Le monde est si beau lorsqu’il prépare Noël que l’on voudrait celui de la paix et de la sérénité. 

En voyant cette photo, je me revois moi-aussi, loupiot en train de décorer notre sapin, dans notre appartement, rue de Bienne à Strasbourg. A l’époque, des bougies allumées étaient accrochées aux branches…L’électricité – en ces temps – constituait une dangereuse et vacillante flamme…Il y avait quelques pommes, oranges et mandarines offertes et posées sur le parvis du sapin. Simplicité en forme de panier de fruits odorants.

Attendre et préparer Noël. Quelle belle image ! Il reste à installer la crèche au pied du roi des forêts. Une étable, quelques santons, la divine famille, l’âne et le bœuf, sans oublier un bébé dans un zest de paille.

Demain, vos enfants feront les mêmes gestes que nous contemplerons, émerveillés et bienveillants, de là où nous nous trouverons.

Devenus, nous aussi, anges gardiens et rois mages à poursuivre l’étoile du Berger…

Il sera toujours Noël dans notre âme. 

                                                              © Laurent BAYART

                                                                       2 décembre 2020

BILLET D’HUMEUR / ACTE 140/ MON VAL D’AJOL COMME UN NOEL DE CHAQUE INSTANT.

J’ai le Val serré dans mon cœur et me manque la fougueuse envolée de la Combeauté qui traverse le Val d’Ajol, comme une fluette plume d’oie sur une feuille de papier verte. Je m’imagine là-bas, à humer l’air frais des épicéas et à entendre le bourdonnement du clocher de l’église Notre Dame qui invite à la dévotion et au recueillement. Mon cœur se glisse dans ce lieu enchanté et inspiré qui me donne rendez-vous avec le bonheur de l’instant. Effeuiller l’andouille au son de l’harmonieuse épinette qui enchante papilles et tympans. Guirlandes de gourmandise.

Amis du Val, vous me manquez ! Vos sourires sont des ricochets de joie et de bonne humeur. Là-bas, le temps prend la poudre d’escampette et file en mode vagabondage. Je suis un papillon posé sur la joue d’un pétale de fleur, une libellule qui se pose sur une feuille de papier qui se remplit de mots.

Mon imagination s’envole. Autour de moi, je m’aperçois que tous les sapins du Val de Combeauté se sont parés de boules multicolores, de guirlandes scintillantes et de confettis de lumières.

Je suis les rois mages entre les sapinières, en quête de cette crèche, genèse de toute création. 

L’étoile du berger se trouve au-dessus de la Feuillée Nouvelle.

Au Val d’Ajol,  c’est Noël à chaque instant… 

                                                              © Laurent BAYART

                                            29 novembre 2020

LIVRE / LE VIRUS DE L’ATOME OU « 86, ANNEE BLANCHE », EN PANDEMIE DE NUAGES RADIOACTIFS.

          C’était la pandémie de l’époque, ce fameux nuage radioactif venu de la vétuste centrale de Tchernobyl (appelée Vladimir Ilitch Lénine), qui a traversé l’Europe au printemps 1986. L’écrivain Lucie Bordes raconte, par le biais de la narration de trois femmes, cette douleur invisible mais – ô combien dévastatrice – provoquée par le virus atomique. Lucie, dans le sud de la France, Ludmila, dans la ville ultramoderne de Prypiat qui jouxte le site de l’accident et Ioulia qui habite Kiev. Ludmila vit avec Vassyl, un des fameux « liquidateurs » de la centrale, hospitalisé à Moscou.  Peut-être que tout n’était parfait, mais les choses avaient un sens. Surtout à Prypiat, ville modèle pour citoyens modèles, îlots de roses dans la mer instable de la perestroïka. Nous vivions un conte de fées. Pouvait-on trouver, à d’autres endroits du monde, autant de lactaires délicieux, de bolets, de chanterelles, de cèpes et de russules ?

Et plus loin, les images idylliques tournent au cauchemar : le dosimètre craquait. Vassyl avait écouté fasciné le bruit de la catastrophe, l’avait trouvé presque rassurant. Le diable était bien là. Il stridulait dans le boitier et l’aiguille affolée se cognait au bord du cadran comme un papillon de nuit à une fenêtre éclairée…

Plus loin, en France,  la cueillette des champignons est interdite, les chantiers navals de la Seyne sur mer et de la Ciotat ferment en laissant des centaines d’emplois sur le carreau… (On revit l’épisode du coup de poing mythique de Bernard Hinault aux militants qui  bloquent la route, en 1984 sur Paris-Nice). Le père de Lucie est membre de la CGT : J’ai demandé à mon père si à son avis, le délégué syndical avait parlé de Tchernobyl. Il a dit qu’il y avait peu de chance. Que la CGT était trop proche du PC…

Trois voix pour évoquer l’indicible et cet hommage à ces hommes qui se sont sacrifiés : Un soldat de plomb. Puis un autre. Et bientôt les machines furent toutes humaines, et il fallut trouver un mot pour les désigner. On les appela liquidateurs et moi, Petro-tête-basse, j’en fus.

Plus loin, il était déconseillé de cueillir des champignons…

                                                      © Laurent BAYART

* 86, année blanche de Lucie Bordes, Editions Liana Levi, 2016.

BILLET D’HUMEUR / ACTE 139 / MOI, PLUTOT QUE LES BARRIERES, JE PREFERE LES « GESTES LANIERES »…

         J’avoue ne plus me reconnaître, dans ce monde de la distanciation et des « gestes barrières » ! Fini, les bisous et embrassades énamourées, les effleurements de peau et les tendresses de l’instant ! Le velouté des épidermes est orphelin de nos caresses… Nous voilà  plongés dans le grand anonymat des masques qui tirent leurs rideaux protecteurs sur nos visages à la Zorro. Il ne faudrait surtout pas laisser passer les microbes de l’infinitésimal dans le carrosse doré de nos postillons ! Que nenni. Nos humaines destinées sont réduites à une société du « sans contact », telle une carte bancaire, en peau … de chagrin. Il va falloir faire avec, comme dirait l’autre.

Les bisous, c’était le monde d’avant. Lorsque les océans glauques et visqueux de liquide hydrogel ne régnaient pas  sur le vélin de nos mains. 

Moi, je rêve encore de nos « gestes lanières », du toucher de la peau et du taffetas des lèvres qui papillonnent sur le pollen des joues.

Réenchanter le monde de nos tendresses retrouvées.

                                                           © Laurent BAYART

photo Némorin, alias Erik Vacquier

                                                                       22 novembre 2020

LIVRE / GAY VOYAGE DANS L’EMPIRE DU MILIEU AVEC BEI TONG.

         Ah, qu’il sent le soufre et la sulfure, ce livre « pseudonymé » signé Bei Tong « Camarades de Pékin » qui raconte le libertinage en mode gay mais pas que…(sans jeu de mots s’il vous plait, ou presque !) d’un personnage s’appelant Chen Handong, entrepreneur et business man à succès qui s’énamoure d’un jeune étudiant en architecte Lan Yu (lan, bleu et yu, ciel)

Et là, la trame se débloque en un Tristan et Yseult déjanté, en mode déluré… L’histoire se passe durant le soulèvement de Tian’anmen dans une Chine qui fait sa mue. Amours interdites et proscrites : En Occident, de genre de choses n’est pas très gênant, mais en Chine, on peut être poursuivi pour atteinte aux mœurs.

 Une incommensurable passion qui emporte tout comme un tsunami de chair. C’est parfois un peu cru, un zest pornographique : Avec Lan Yu aussi, mais cela allait plus loin que mon corps. Mon âme était aussi de la partie. Les protagonistes de ces amours illicites vont jouer à se haïr, se rejeter et se revoir, dans un perpétuel déchirement. Avec le constat, qu’ils se sont transformés en inséparables amants-papillons. 

« Camarades de Pékin »fait partie des romans gays chinois contemporains les plus connus et les plus importants de la Chine continentale. C’est aussi une œuvre pionnière de ce que l’on nomme le tongzhi, ou fiction gay…

Indubitablement, quoi qu’on en pense, ce livre est à couper le souffle et agit comme une fiction documentaire car l’histoire est véridique, mais les personnages « floutés » pour des raisons évidentes…

                                                          Copyright : Laurent BAYART

Camarades de Pékin de Bei Tong, Calmann-Lévy, 2018.

BILLET D’HUMEUR / ACTE 138 / DES OISEAUX DANS LA CHAMBRE D’HOPITAL !

une belle chambre à Hautepierre…

Ma chambre d’hôpital a été enchantée par des oiseaux taquins et guillerets, joliment colorés et coloriés, qui ont pris les bras tendus de la potence de la perfusion pour d’accortes branches d’arbres. Qui donc a laissé la fenêtre grande ouverte ? J’avais l’impression de me retrouver dans l’aire paradisiaque de mon jardin. Retour à la maison ! C’est tout juste si je ne percevais pas les trilles et les pépiements de la gent à plumes dans cette pièce blanche aseptisée. Ainsi, mon séjour à l’hôpital fut –presque – placé sous l’égide de Saint François d’Assise, le Saint qui parlait aux oiseaux…

Goutte à goutte telle une bienfaisante becquée où les immunoglobulines venaient s’envoler dans mes veines pour y mettre un peu d’espace et de confettis de nuages poussés par le vent. 

Belle et reposante chambre où, quelques plumes semblaient tomber comme des flocons de neige, à moins que cela soit les plumes de couette de la perfusion. Un merle ou une pie devant s’ébrouer et faire sa toilette !

Au bout d’un instant, la bouteille vide, une infirmière vint pour me changer le flacon. Stupeur : l’écrivain-patient s’était transformé en colibri.

Heureusement, le personnel de l’établissement réussit à m’identifier: mon nom était bagué sur la patte de mon poignet !

Et l’on me remit, derechef, dans mon jardin-potager…où je m’envolais – ivre de bonheur et de liberté – tel l’oiseau de la perfusion…

                                                           Copyright : Laurent BAYART

19 novembre 2020

                                                                                                                                                                               

LIVRE / BON ANNIVERSAIRE MA FILLE OU CLAIRE DES SOURCES, NOTRE RESSUSCITEE !

         C’était le 15 novembre 2002, date gravée dans notre Adn, où nos vies ont basculé. C’était pendant une séance de gym au cosec de Mundolsheim où tu fis ton accident. Là où tu es née une seconde fois, Claire-Elise : Il nous faut naître deux fois pour vivre un peu, ne serait-ce qu’un peu. Il nous faut naître par la chair et ensuite par l’âme. Les deux naissances sont comme un arrachement. La première jette le corps dans le monde, la seconde balance l’âme jusqu’au ciel écrit Christian Bobin. Chaque membre de notre tribu s’en souvient encore, de ce séisme qui nous a happé dans le quotidien de nos existences. La foudre a frappé mais nous nous sommes relevés, encore et toujours plus fort. 

Aujourd’hui, nous rendons grâce à Dieu et à ses ange-gardiens car tu as traversé les flammes et tu vis heureuse avec Jérémy et ton pipoune d’Alphonse…

Qui aurait-cru, quand nous suivions l’ambulance ce jour-là, hagards et fantomatiques tels des zombies ? L’ami Claude Luezior, écrivain et neurologue, le disait dans mon livre récit publié en 2003* : La joie et les astres étaient parmi eux. Et puis, un jour de novembre frappa avec cette couleur grise du malheur, avec cette couleur rouge de l’hémorragie qui teinta de rouge la plus claire de leurs sources : la fille de leur chair.

Bon anniversaire Claire-Elise ! Nous savourons – depuis – chaque jour comme une grâce que les étoiles nous ont offert dans les rendez-vous impromptus de l’amour.

Le temps passe mais les bougies des anniversaires continuent de nous éclairer chaque jour…

                                                                               Laurent BAYART

Claire des sources ou le chemin étranglé de Laurent Bayart, préface de Claude Luezior, éditions Editinter, 2003.