Archives de catégorie : Blog-Notes

BILLET D’HUMEUR / ACTE 73 / C’ETAIT LE TOUR D’ALApHPinot…

Photo de Némorin, alias Erik Vacquier

Voici ce que j’avais écrit sur mon site, le 26 avril dernier, dans mon billet d’humeur intitulé « C’est le tour de Julian Alaphilippe » : Et voilà que l’on se prend à rêver ! Depuis 1985 et le grand et inoxydable Bernard Hinault, on voudrait bien un peu de cambouis français sur le palmarès du Tour de France ! Et pourquoi pas, un fantaisiste orpailleur de dérailleur pour dézinguer un peu un peloton bien ankylosé et enkysté ? Julian Alaphilippe pourrait bien être le magicien, en chambre à air, que l’on attendait…

Et ben dites donc, on n’est pas passé loin d’un coup de foudre sur le Tour, loin des apothicaires et des petits épiciers qui moulinent comme des ordinateurs, les oreillettes scotchées aux portugaises et le capteur de puissance en goguette ! Le Peter Sagan – fantaisiste tricolore – Julian Alaphilippe nous a fait rêver. Il a posé sa poésie jaune sur les maillots d’une Grande Boucle enfin palpitante. Il a titillé notre imaginaire et redonné un peu de dramaturgie à ces routes depuis trop longtemps noires d’être trop stéréotypées. Et je ne parle pas de notre Haut-Saônois Thibaud Pinot qui a fait un magistral baroud. Lui aussi aurait pu bousculer le grand vaisselier du Tour. Ah, si ses muscles ne l’avaient pas lâchés, si la grêle et les coulées de boue ne  s’y étaient pas mis, si la 19ème étape ne s’était pas terminée en queue de poisson, si…

Merci messieurs AlaphPinot d’avoir représentés pour nous – comme l’aurait écrit Louis Nucéra – « Noël au mois de juillet »…Vous avez saupoudré vos jantes d’un peu de piment et mis une pincée d’incertitude à cette belle compétition cycliste. C’était tout de même un peu votre Tour, même si…le classement – d’habitude général – vous a privé de podium et de la plus belle marche. Celle que l’on monte à la pédale !

                                                                             @ Laurent BAYART

                                                                                  27 juillet 2019


LIVRE / SEYYED EBRAHIM NABAVI OU LES BRIS DE COULOIR IRANIEN.

Célèbre journaliste iranien, bien connu dans son pays, Ebrahim Nabavi fut condamné à huit mois de prison pour « insultes aux autorités » et autres griefs à son encontre. Il eut néanmoins le « loisirs » de choisir son lieu de détention. L’écrivain opta pour la section des « délinquants économiques », histoire de plonger dans le monde interlope des escrocs locaux. Voyage pas piqué des vers et l’occasion pour l’auteur d’en tirer un récit car, confie-t-il, toute ma vie, j’ai cherché à voir un tas de gens bizarres et maintenant je m’en retrouve entouré…Ca se passe dans le couloir n°6 du quartier 269 de la prison Evine. Il narre avec maestria ce lieu où l’ombre et l’humidité croquent le soleil : Le cri s’étouffe dans un gémissement, se transforme en lamentation et finit en sanglot. Puis, on dirait que les pierres du mur l’engloutissent. Monde carcéral où son insomnie lui pèse. Les nuits se révèlent interminables et  Nabavi exhorte son épouse de venir dans mon rêve. Il trouvera son échappatoire dans le sport qu’il peut –malgré sa détention – pratiquer à foisons. Lexique cellulaire avec ces Afghansqui sont les détenus n’ayant jamais de visite. Humour et dérision avec la promiscuité des « arnaqueurs professionnels « à qui on ne sert pas la main à moins de compter ses doigts après pour voir s’ils n’en ont pas piqué un…et plus loin, cette phrase-constatation empirique : Les assassins sont des gens qui tiennent parole, contrairement aux financiers.Mais parfois, et même assez souvent, ce récit est ponctué d’annonces de départ de quelques-uns de ses collègues, condamnés à être pendus…

L’expérience en prison terminée, il avouera que ce fut amer, fort amer, mais ô combien instructif !

                                                                                                              @ Laurent BAYART

Couloir n°6, traduit du persan (Iran) par Amir Moghani, de Seyyed Ebrahim Nabavi, éditions Actes Sud, 2005.

LIVRE / ERIC GENETET OU « TOMBER » SUR LA TERRE BATTUE D’UNE VIE…

J’avais aimé et découvert l’écriture singulière d’Eric Genetet dans « Le fiancé de la lune », musicalité dans le phrasé littéraire des notes de jazz. Ce livre, au titre laconique, « Tomber » raconte le ralenti d’une chute, comme un dribbleur qui se fait « sécher » dans la surface de réparation, là où il est question de foot alors que cet ouvrage a pour décor la finale mythique de Roland-Garros entre Yannick Noah et Mats Wilander, en 1983…Histoire d’un couple en chute libre et d’un petit garçon dyslexique (quelle belle couverture qui exprime cet embrouillamini, sens dessus, sens dessous !). Errance de ce gamin qui traîne ce match de tennis et le naufrage d’un père abandonné à ses pschitt d’alcoolique. Justesse de ce vagabondage de mots et de ce môme qui raconte le séisme dont il est l’épicentre : Je n’en peux plus de vivre avec les cris que je ne pousse pas, ou encore : Mes parents m’aiment d’un mauvais amour, un amour avec des fautes de frappe, un amour pour dyslexique…Match à trois qui se déroule jusqu’à l’ultime dramaturgie d’un dernier set, manière de délivrance. Beauté d’un texte qui a connu un vif succès à sa parution. Et le dénouement, la chute, comme on dit dans la littérature, est une manière de smash envoyé à la destinée. Le sport constitue souvent le dur apprentissage de la vie…

@ Laurent BAYART

Tomber d’Eric Genetet, Editions Heloïse d’Ormesson, 2016.

FESTIVAL QUAND LES MOTS PORTENT LA COULEUR DES CONTES…


Superbe festival voué à la parole contée qu’est « Couleurs conte » (qui fête sa treizième édition) animé et initié par Nicole Docin-Julien qui met –justement – les mots en voix et en espace. Inauguré vendredi dernier, dans l’église Saint-Pierre le Vieux de Strasbourg, avec son spectacle « Qui habite les songes ne meurt jamais ». Cette création originale nous emmène, en compagnie des musiciens Grégoire Deslandes et Thierry Lucas, dans une histoire onirique où il est question de naufrage, d’images, de rencontres surprenantes et d’incroyables pépites de mots qui semblent s’écouler d’un sablier (ou d’un volume) en plein salon du livre… Mystérieux texte qui parle d’essentiel, de poésie et de la grâce intrinsèque que porte chaque paysage intérieur. Zest philosophique qui enchante aussi nos âmes. A la fois fable, poème lyrique et conte mystique  nous entraînant entre passé et présent. Le conteur tourne…

Laissez-vous porter par ces paroles qui vous feront échouer sur d’improbables plages et ilots d’imaginaire. Oui, avec Nicole Docin-Julien, quand on apprivoise les mots en paroles, on aime sans compter… ou plutôt en contant ! C’est vraiment tout un art…

                                                                            @ Laurent BAYART

* prochaine représentation de « Qui habite les songes ne meurt jamais », le samedi 6 juillet à l’auditorium Sainte-Barbe de Strasbourg. Le festival a lieu du 30 juin au 7 juillet 2019.

BILLET D’HUMEUR/ ACTE 73 /SE METTRE EN TRAIN ENTRE FOOT ET LITTERATURE.

         Les trains sont toujours des lieux d’improbables rencontres. En témoigne ce voyage en Intercitésde Paris au Havre où la proximité passagère produit de drôles de tilt. Plongé dans la lecture de mon livre, je me retrouve parfois incommodé par un jeune couple asiatique hyper nerveux et agité (qui ne sont d’ailleurs pas placés ensemble, la femme est assise à mes côtés, tandis que son mari(ou son copain) est situé juste derrière elle). Le duo, phénomènes aux yeux bridés, n’arrêtant pas de mitrailler avec leurs portables, en mode appareil photographique. C’est tout azimut. Les quais de gare, les passants, les voyageurs, les paysages, les poteaux, les pancartes…Sans compter d’innombrables selfies dont ils « s’arrosent » ! C’est quasiment une image d’Epinal en live à côté de moi. Risible à souhait. Je hausse un peu les épaules et fais un clin d’œil à mon épouse qui se marre aussi en les observant.

Et soudain, la jeune femme se met à parler à son téléphone. Puis, elle me tend l’appareil qui dialogue en français, traduction instantanée du chinois ! On n’arrête décidément plus le progrès. Une voix électronique m’indique que mes compères sont des supporters de l’équipe féminine chinoise qui joue actuellement la coupe du monde au Havre ! Mazette ! Puis, souriants, ils me précisent (toujours via la voix (ou voie) de leur boitier) que cette prouesse de traduction est l’œuvre d’une entreprise chinoise. Puis, re-souriants comme des pastèques en plein soleil, ils me précisent  » Bienvenue à Beijing ! ». Et voilà, une invitation à nous rendre dans l’empire du Milieu… 

Je leur tends l’ouvrage que je suis en train de lire, un bouquin chinois de Liu Zhenyun : «  Peaux d’ail et plumes de poulet » avec même le titre en idéogrammes…Un des auteurs contemporains locaux les plus célèbres de son pays. Ses textes ont même fait l’objet d’une adaptation télévisée en 1995 qui est devenue un véritable phénomène sur la société post-Tian’anmen…lit-on dans la présentation de ce diptyque.

Et voilà que mes quidams me gratifient encore d’un énorme sourire. Je viens de marquer un but en or à l’équipe Chinoise. Les Français lisent les auteurs asiatiques ! Et les voilà qu’ils s’en vont en me gratifiant de grands signes et moulinets de la main. Mon amour, ça te dirait d’aller en Chine l’an prochain ? En train ! Me répond-elle… On ira voir une compétition de foot là-bas ! Match retour. Balle au centre.

                                                                           @ Laurent BAYART

BILLET D’HUMEUR / ACTE 72 / GARDIEN DE VELO DANS UN HAVRE DE…

le vélo de mon jeune quidam…

Attablé à une terrasse de café à siroter une…bière, dans cette belle et coquette ville du Havre, voici que tout d’un coup surgit un jeune cycliste, en jean et tee-shirt, qui stoppe son petit voyage en chambre à air pour s’arrêter au bout de ma table ronde et poser son destrier en acier contre la paroi d’une vitre de magasin. Voilà t’y pas qu’il me demande si je veux bien surveiller son vélo, le temps d’une…course ! (C’est un coureur ou plutôt un coursier !). Basta ! Cycliste me voilà réduit à jouer le rôle d’un gardien de bicyclette improvisé… Et nous voilà à deviser sur les bienfaits de la petite reine. J’en fais tous les jours, par tous les temps et je ne suis jamais malade ! Ma copine, elle, a la crève ! Je rajoute que le vélo c’est le meilleur médicament, témoignant aussi d’une vie professionnelle placée sous le signe journalier du boulot à vélo. Sympathique et enjoué jeune homme qui chante avec passion son amour (sans bornes, quoi que…) pour la bicyclette. Instants de partage et de communion entre nous. Le vélo est décidément une grande fratrie. 

Puis, ses emplettes effectuées, il se remet en selle et repart, en me remerciant, avec un large sourire sur le guidon. Moi, je quitte le confort de ma selle, je voulais dire de ma chaise en fer forgé, abandonne mon bidon-bock de bière et continue mes pérégrinations à pied. Touriste, à visiter ce Havre qui semble être une ville de cyclistes amoureux de leurs petites reines et de leurs copines malades (de ne pas faire de vélo !). Le monde est décidément toujours plus beau lorsqu’on roule à bicyclette…Et, passant, on peut devenir, par la grâce d’un  vélocipédiste, gardien de rayons et de dérailleur…faisant – pour la circonstance – office de chaîne et de cadenas. On a le karma qu’on mérite…

                                                                   @ Laurent BAYART

EXPOSITION DE JEAN VALERA OU LORSQUE D’ETRANGES FORMES D’ANIMAUX SURGISSENT DES ARBRES…

Est-ce vraiment d’une expo dont il s’agit ? Ou, tout simplement d’une sorte de balade dans une forêt magique à la manière d’un Merlin l’enchanteur qui serait doté d’un œil de verre en guise de diaphragme photographique ? La fantaisie arboricole en forme de bestiaire, que nous propose à la bibliothèque L’Arbre à lire de Mundolsheim durant tout le mois de juin, le photographe Jean Valéra, constitue une promenade sylvestre au fil des fougères et des bruyères, entre des arbres qui s’amusent à nous offrir d’étranges et curieuses formes anthropomorphiques. Lutins, baladins et elfes s’inventant des museaux et autres truffes, griffes, coussinets, andouillers de cerfs et gueules de gargouilles qui semblent pousser quelques grognements. Les arbres ne sont décidément que des livres qui s’acoquinent avec les mondes magiques de l’extraordinaire.

Etranges sculptures naturelles, licornes chevauchant la coque ou la proue de surprenants esquifs qui saillent de la sève des arbres. Océans de verdure qui s’ouvrent devant nos yeux éblouis. Créatures fantastiques voire fantasques, féeriques,  façonnées par la nature. Elles suggèrent leurs silhouettes en nous racontant leurs propres chroniques, comme sorties d’un livre. Recueil de contes façonnés avec de curieux ciseaux à bois, extraits de l’imaginaire de l’artiste, fouineur de bosquets et aventuriers des sapinières. 

Jean Valéra, photographe plasticien autodidacte, nous entraîne sur ses chemins buissonniers où jaillit de son objectif un véritable bestiaire à l’image des fables de La Fontaine, mais en version végétale…

Amis, visiteurs ou promeneurs, ne bougez plus. Le clic, orchestré par son doigt de lumière, va délivrer un oiseau de sa gangue de bois…Icare ailé qui pose sa silhouette gargantuesque sur le papier blanc du photographe. Il ne lui reste plus qu’à y ajouter son parafe. Telle la pointe d’un canif, restera t’il gravé dans l’écorce, à l’image d’un révélateur ?

                                                                            @ Laurent BAYART

Bestiaire arboricole, exposition du photographe Jean Valéra, durant tout le mois de juin 2019 à la bibliothèque l’Arbre à lire,19, rue du général De Gaulle à Mundolsheim. 

DIS, TU T’ES ENVOLEE CHRISTIANE ? / HOMMAGE A CHRISTIANE MEISS ( 1937-2019)

couverture du livre « Ivresse du vagabondage » de Laurent Bayart, avec des aquarelles et une préface de Christiane Meiss.


Coucou, Christiane ! Alors, comme ça tu as pris la poudre d’escampette dans la nuit du 23 mai dernier ? L’ami poète Claude Diringer vient de me le faire savoir…Ainsi, la cage de la grande volière s’est ouverte pour que tu puisses prendre ton envol. Ah, quelle tristesse dans mon cœur et dans mon âme ! Tu fus une aquarelliste et peintre remarquable. Tu aimais croquer la nature, ses petits insectes, belettes, blaireaux, furets et autres confrères à coussinets, oiseaux multicolores et papillons en palette que tu déposais sur tes toiles, à l’instar d’une enfant qui colle ses images sur son cahier d’écolière. Tu fus une poétesse et écrivain(e) qui savait mettre de la tendresse dans son œuvre comme dans sa vie. Et çà, c’est si rare en ces temps d’apothicaire du verbe et de la parole.

J’aimais ta simplicité, ta douce naïveté, ta gentillesse intrinsèque. Petite femme fluette mais majuscule de cœur et grande dame à l’âme éblouissante. J’avais eu le bonheur de te côtoyer à la Société des Ecrivains d’Alsace et de Lorraine et de te voir parfois dans ton nid-repère à Cernay, au pied des montagnes vosgiennes. Nous échangions avec bonheur comme on croque des noisettes. Nous avions les mêmes connivences : l’amour des gens qui ne trichent et ne calculent jamais. Nous étions du même sang.

Christiane, ce matin, je suis blessé mais je sais que tu as pris ton envol dans le ciel (dont tu aimais tant ses messagers : les oiseaux). 

Je te savais déjà un peu absente depuis quelque temps, là tu t’es carrément échappée…

En général, en pareille circonstance, on dit Adieu…Moi, j’ai simplement envie de te dire Au revoir ! 

L’azur est vaste mais nous nous croiserons certainement à nouveau. Les gens de plume emportent toujours un peu de ciel sous leurs ailes. Leurs rêves d’espace n’en sont que plus beaux.

                                                                            @ Laurent BAYART

                                                                               28 mai 2019


LIVRE / IRAN/ LE LONG SILENCE DE LA VOIX CACHEE

         Ce livre iranien pourrait être un film présenté au Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul, si toutefois un réalisateur prenait l’envie de s’emparer de cette narration. Parinoush Saniee, sociologue et psychologue iranien, censuré dans son pays, avait déjà publié un best-seller Le voile de Téhéran (que je m’empresserai de découvrir !). Aujourd’hui, La voix cachée nous raconte la vie muette de Shahaab, jeune garçon qui s’enfonce dans le monde d’un incompréhensible silence. Aimé par sa mère, il est pris pour un débile par son père et l’entourage. Ce livre raconte, sous l’angle de plusieurs narrateurs, le chemin escarpé de ce garçon qui a presque quatre ans et il ne parle pas encore. Pourtant sa sœur de dix-huit mois est un vrai moulin à paroles. Ainsi, se forment les différences et autres préférences…

La ligne de fracture se creuse entre sa famille et lui. A sa manière, il jettera quelques cailloux dans le ruisseau, manière d’alerter son entourage… aveugle. La vérité, en boomerang, remettra chacun à sa place et sera parfois cruelle et révélatrice : Pendant toutes ces années, tu as su parler, mais tu ne l’as pas fait parce que tu étais fâché contre eux. Ils ont cru que tu étais idiot et ils t’ont traité comme un retardé…

Ce livre raconte aussi la société iranienne contemporaine, les rapports familiaux et sociétaux avec le poids des associations islamiques rétrogrades : Ceux qui ne croient pas en Dieu et au prophète Mahomet ont des enfants retardés. Merveille d’ouvrage que l’on dévore, avec cette belle photo en couverture, très explicite et…parlante, signée Mohamad Itani.

                                                                        @ Laurent BAYART

La voix cachée, roman, de Parinoush Saniee, Robert Laffont, 2017.

BILLET D’HUMEUR / ACTE 71/ LA LISEUSE DE LA BIB

bibliothèque l’Arbre à lire de Mundolsheim


Elle porte son livre à l’image d’une tasse de thé. Le tient bien droit, ne plonge pas dans sa lecture mais le regarde presque avec délicatesse et affectation. La « liseuse » de la bibliothèque me semble bien originale avec son livre jaune dans les mains. Elle a un rien snob dans sa posture de lecture, une manière distinguée de tenir son bouquin, tel un objet précieux et rare. Ses gommettes fichées sur la silhouette de sa robe (ou de son manteau) lui dessinent de curieux boutons de nacre, façon accordéon. Est-elle dans la bibliothèque ou se trouve t’elle dans la cour, où tout simplement, entre deux eaux, dans le no man’s land de la vitre ? Les lumières – qui se reflètent -allumées au fil des rayonnages lui font comme un abat-jour ou une table de chevet. Pour peu, on l’entendrait presque toussoter ou tourner les pages de son livre, avec délicatesse et distinction. 

Et lorsque je la croise, en cherchant un livre dans les étagères, elle ne lève jamais les yeux vers moi, tellement absorbée par sa lecture. 

La « liseuse » de la bib est une jolie statue en papier plastifié qui lit dans le silence de son imaginaire.

                                                              @ Laurent Bayart

                                                              15 mai 2019                                                   bibliothèque l’Arbre à lire de Mundolsheim