Archives de catégorie : Blog-Notes

LIVRE/ « NES POUR COURIR »…PIEDS NUS !

 

Rédigé comme un roman, au rythme nerveux de la course, l’ouvrage du journaliste et coureur d’ultra trail Christopher McDougall se révèle passionnant. En quatre cents pages, il raconte sa rencontre avec Caballo blanco, cet indien mexicain Tarahumaras qui défie, ainsi que toute sa tribu, les lois de la physique et de l’endurance. Reliefs époustouflants des Copper Canyons où les températures font suer le mercure du thermomètre ; personnages de polars et de westerns, univers à la Jack Kerouac où l’on côtoie les baroudeurs de l’aventure comme ce « Barefoot Ted », Vigil le coach ou Jenn, cette amazone du trail que rien n’arrête…sauf que, ces personnages existent et ne sont pas le fruit de l’imaginaire !

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Ainsi, sous une forme romanesque, l’auteur mène une enquête minutieuse et approfondie où l’on apprend une foule de choses sur les adeptes de la « course minimaliste (à pieds nus) et du sport en général. Par exemple ? Que courir avec des chaussures ne protègent pas les pieds, bien au contraire, ceux pratiquant la course pieds nus sont victimes de moins de blessures… (Les meilleures chaussures sont les pires) que les sacro-saints étirements ne servent à rien sinon à augmenter le risque d’une entorse ou de lésions…que le pied humain, d’après un éminent podologue, n’est pas fait pour courir mais pour nager…que nos panards aiment être maltraités car ils possèdent une faculté naturelle à s’adapter et à se protéger…

Bref, un livre instructif à l’adresse de tous ceux qui aiment courir ou qui pratiquent le sport d’endurance. En un haletant style narratif, cet ouvrage déborde d’humour comme lorsqu’il est décrit le grand champion olympique tchèque Emil Zatopek dont le style « abominable et spasmodique faisait le bonheur des journalistes sportifs » : On dirait un homme en lutte avec une pieuvre sur un tapis roulant.

                                                                                                                  Laurent BAYART

* Born to Run (Né pour courir) de Christopher McDougall, Editions Guérin Chamonix.

MARTIN ADAMIEC : LE PASSEUR DE MOTS

Cela fait plus d’une bonne trentaine d’années que Martin Adamiec arpente les scènes alsaciennes : comédien, récitant et metteur en voix et en espace de l’écriture contemporaine. Cet artiste pluriel, généreux, sillonne les médiathèques et autres bibliothèques depuis belle lurette.

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Dramaturge, j’ai souvenance des merveilleuses soirées théâtrales organisées dans la Grande Coupole de l’Observatoire de Strasbourg, dans les années quatre-vingt avec Jean-Jacques Mercier, au sein de la compagnie Articulations Théâtre, spécialisée alors dans la geste scientifique.

Comédien, écrivain et poète, il publie ces temps-ci « Chemins des vitalités », un joyeux et talentueux « recueil des silences, des murmures et des colères ». Textes, proses, chroniques, portraits, journal, récits, souvenirs, aphorismes, poésies. ..Plus de quatre cents pages dont on se délecte. Notre ami aime le compagnonnage des mots et s’en sert avec dextérité. Il raconte ses origines polonaises, ses longues pérégrinations ferroviaires qui titillent déjà son imaginaire (Je suis un quai de gare/ qui attend ses livraisons), la maladie de sa maman qui les rapproche, etc…Observateur lucide du monde, Martin nous confie, fort justement : Les hommes ne voient-ils pas qu’ils sont l’aliment du feu qui les dévore ? Ne sommes-nous pas, selon les vicissitudes de l’histoire, allumette, incendie et pompier à tour de rôle…

                                                                                                                        Laurent BAYART

* Chemins des vitalités (2004-2013) de Martin Adamiec. Contacts : martin.adamiec@orange.fr

BILLET D’HUMEUR / ACTE 10/ FAIRE LA PLANCHE AUX BELLES FILLES…

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* photo de Némorin (Erik Vacquier)

Le Tour de France reste magique et mythique. Il n’est qu’à apprécier l’incroyable engouement que suscite cette épreuve sportive auprès du public. Le lundi 14 juillet, nous étions « placés » sur les bas-côtés de la longue rampe de la Planche des Belles Filles dans l’attente des «forçats de la route ». Les heures à patienter nous ont permis de déguster des instants rares. Peuplade internationale de gens en goguette, comme dans les clichés. Zombis carnavalesques grimés pour une sacrée mascarade, population haute en couleurs et en passion. Familles entières avec les chaises pliantes, leurs tables et leurs bouteilles de rouge. Drapeaux de toutes les nations unies dans la souffrance de l’effort et incroyable cavalcade de cyclos sportifs qui sont venus « honorer » cette interminable pente en prélude des pros. Nous étions admiratifs devant ces athlètes dépareillés et anonymes qui s’enfonçaient dans la souffrance de la montée, le nez dans l’asphalte. J’ai souvent été abasourdi par ces sans-grades qui escaladaient cette Planche sur d’improbables bicyclettes, à l’image de ce monsieur obèse dont le ventre flasque et proéminent faisait un bruit de pudding en aquaplaning… et qui s’entêtait, vaille que vaille, à faire son ascension au rythme de l’escargot en zigzaguant…Chapeau bas, Monsieur !

 En effet, on en oublierait presque la course…Quand, tout d’un coup, l’hélico a annoncé deux coureurs échappés avec à leurs trousses une poignée de cyclistes…Puis, ce fut l’interminable procession de ces héros, les yeux hagards, arborant le masque des gladiateurs de la fatigue…

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Longtemps après, la route s’est ouverte à cette joyeuse ribambelle de gens. On se serait cru à une grande braderie. Tout le monde s’est mis à redescendre la pente en se remémorant la belle journée passée, les cyclos sportifs fusèrent avec les pros…Et dans le charivari de cette cohue, parfois un coureur en sens inverse s’obstinait à grimper à rebrousse poil….On avait oublié que la voiture-balai n’avait pas encore débarrassé la route de ces naufragés, attardés dans la sueur de leurs dossards collés au dos comme de la poisse…

                                                                                                                     Laurent BAYART

BILLET D’HUMEUR / ACTE 9 / ON PEUT BIEN REVER

La magie du football opère-t-elle ? On n’entend plus le désenchantement disgracieux des déshérités des favelas et de tous les laissés pour compte (bancaire). Le rectangle vert, comme jadis celui des anneaux olympiques, a pacifié les voix discordantes. Durant les jeux (du cirque), on ne doit pas entendre siffler les balles, et Les dalles de béton des stades ne pas se rider prématurément avec quelques fissures…

Durant ce laps de temps, la planète est devenue complètement foot. Le surmenage télévisuel guette nos contemporains. Celui qui se balade un soir de match de l’équipe nationale est suspecté de (des)patriotisme. Ben voyons.

Et chacun de sortir son maillot bleu et de rêver à une seconde étoile. Et un, et deux, et trois zéro… Vite, ressortir les vinyles « I Will Survive » de Gloria Gaynor ! Bon sang, cela ferait du bien à cette nation de dépressifs et de pessimistes qui n’arrête plus de bouffer des neuroleptiques ! Et avec un peu de chance, pariez (en ligne) sur une équipe « improbable » qui emporterait –pourquoi pas – le trophée Jules Rimet !

Banco pour vous. Vous pourriez chanter –les pieds nus sur votre canapé – : « We are the champion ! » et rêver ensuite d’une victoire française sur le Tour de France…Depuis 1985, ça fait un bail (Bernard Hinault), non ? On peut bien rêver. Et ça fait du bien !

                                                                                                                     Laurent BAYART

BILLET D’HUMEUR / ACTE 8 / UN SACRE FOOT-OIR !

L’épisode folklorique qui tourne autour de la (très) prochaine coupe du monde de football au Brésil commence à devenir lassant. Ces stades-chantiers qui n’en finissent plus de ne pas être…terminés et cette overdose de ballons en cuir que l’on va connaître durant le mois de juin. Brésil « terre d’avenir » écrivait Stefan Zweig…En attendant, ça sent le soufre et la révolte sur les terres de « l’ordre et du progrès » (devise du positivisme d’Auguste Comte sur le drapeau !). Et pourtant, Dieu (qui est Brésilien prétendait Lula) sait qu’ils adorent le foot sur les plages de Copacabana !

Aujourd’hui le football sent le vomi de l’argent. On ne cesse de nous seriner avec ces histoires de dopage (notamment dans le cyclisme) mais le plus grand scandale reste les matchs truqués dans les rencontres de championnat européen, et en particulier ceux concernant la saison 2013/2014. A priori, de gros soupçons pèsent sur 460 rencontres, rien que ça ! L’argent toujours l’argent avec les paris en ligne qui pointent leurs (lucratifs) museaux. Et je ne parle pas d’une coupe du monde programmée au Qatar (là-bas le gazon ressemble à du sable !) où il fait plus de cinquante degrés…Ben voyons, avec une température pareille, vaut mieux faire du water-polo avec son chameau ! (ou son dromadaire, je ne sais plus à quelle bosse me raccrocher…)

Et puis, quand on pense aux sommes d’argent « gastronomiques » investies au Paris (truqué ?) Saint-Germain, on se dit que ne gagner qu’un championnat national et une coupe de la Ligue, c’est être un chouia « petit joueur »…Non ?

Bon, allez, vivement le Tour de France !, et même si nos champions en chambre à air ingurgitent des vitamines, ce ne sont pas des ballerines en short qui dansent sur un pré rectangulaire, mais des gladiateurs de la route et d’incroyables athlètes qui forcent le respect en avalant de sacrés dénivelés, et ce durant tout un mois, loin des trous de taupe des poteaux de corner !

                                                                                                                   Laurent BAYART

BILLET D’HUMEUR / ACTE 7 / ODE A MON ARROSOIR

On le croyait définitivement relégué au rayonnage des ustensiles désuets, avec la montée en puissance des tuyaux TGV ou des arrosoirs automatisés, mais mon vieil outil de jardinage, mon archaïque arrosoir reste toujours à la page dans mon jardin.

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Grâce à mes tonneaux, ma piscine abandonnée à son eau saumâtre et ma cuve remplie à ras bord d’eau de pluie récupérée, dérobée aux plantureuses formes des nuages, voilà que je goutte (c’est le cas de le dire !) au bonheur de cette délicieuse lenteur qui consiste à remplir mon récipient à une oreille et à petite trompette d’éléphant. J’aime, de plus en plus, prendre mon temps. Donner à boire à mes salades, mes courgettes, mes tomates (au pied)…et consorts végétaux. Ce face à face avec la terre me remplit de joie. Jardinier, je cultive cette lenteur comme un espace de sage allégresse qui me permet de voir pousser mes légumes, de surprendre l’une ou l’autre limace poinçonner une laitue ou feuille de chêne.

Prendre son temps : le jardin est une belle manière de planter une écharde dans une roue qui tourne aujourd’hui (beaucoup) trop vite. Respirer et se sentir vivre au rythme des saisons. Observer un étourneau se poser sur la tête de ma bêche. Ecouter le vent chahuter dans les feuilles des cerisiers, noisetiers et pommiers.

Mon arrosoir m’emmène par son anse afin de me raconter les histoires secrètes de mon jardin. Celles que chuchotent les mille et une créatures qui en sont les locataires éclairés. Que plus personne n’entend, ni ne voit mais qui constituent des merveilles dans un monde désenchanté.

 * photo originale de Némorin (Erik Vacquier)

                                                                                                               Laurent BAYART

BILLET D’HUMEUR/ ACTE 6 / LE TEMPS AU RALENTI

En ces temps d’incertitudes et de marasme, troublés par le grand charivari et tohu-bohu de l’actualité, En ces temps où tout bouge trop vite, époque de la gesticulation de moulin à vent où les menaces en tous genres pèsent sur l’homme d’un poids d’airain, l’art et l’écriture restent le refuge pour retrouver sa sérénité. Apnée de silence, regard sur soi-même et les autres, loin de la logorrhée des médias, de la communication instantanée. Ecrire c’est prendre son temps et retrouver son souffle, en allant à contre-courant. C’est remonter le fleuve à la nage. Aller où l’on ne vous attend plus. Inscrire ses pas dans une poudreuse toute fraîche, créer un nouveau chemin. Ecouter le rire d’une tourterelle, apprécier la grimace d’un scarabée et le glissement silencieux d’un escargot sur la terre.

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Rencontres inutiles et rendez-vous dérisoires mais qui vous font côtoyer – l’espace d’un instant – l’âme du monde et le souffle d’un paysage que l’on ne voit que par écran interposé. Parce que toujours trop pressé. Notre corps est possédé par la hâte maladive d’arriver…mais où ? Diantre, à force de nous agiter comme des diablotins, nous avons oublié l’essence même de notre destination.

                                                                                                                      Laurent BAYART

* photo originale de Némorin

CHRISTOPHE FELTZ LE THEATRE DANS LA LUMIERE

Serait-il dopé ? Nul ne le sait, néanmoins Christophe FELTZ, comédien et metteur en scène, (ac)cumule les superlatifs et semble posséder une inépuisable pile énergétique dans son corps de basketteur (Il a failli faire une carrière pro !). Sa troupe le « Théâtre Lumière » a été créée en 1992…et je me trouvais là le soir de la première de son spectacle « L’être urgent » d’Harold Pinter, dans une petite salle de la Petite France à Strasbourg. Souvenir…souvenir…

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En tout, en plus de vingt d’existence, sa compagnie a proposé près de 900 représentations et une trentaine de créations, sans compter plusieurs présences durant l’été avignonnais. Christophe Feltz, talentueux et généreux, est souvent venu mettre en voix et en espace mes textes, se prêtant au jeu de l’improvisation lors de mes lectures littéraires et musicales. Vieille complicité et connivence, il promène sa silhouette de sacré gaillard sur les scènes alsaciennes depuis si longtemps, sa gouaille et sa voix de stentor lorsque le rire lui fourrage la gorge…On ne sait plus s’il joue ou pas ?

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 Il aime monter les auteurs et dramaturges contemporains (pas une mince affaire !). Aussi, en ce moment, présente-t-il « Matière à rire », une singulière, fine et intelligente adaptation des textes de l’humoriste et poète Raymond Devos. Théâtre de l’absurde et de l’ironie qui nous donne matière à réfléchir dans un monde qui, à force de secouer le cocotier, nous envoie tous les jours – histoire de nous réveiller ! – une noix de coco sur la boîte crânienne !

                                                                                                                      Laurent BAYART

 * Contacts / info@theatre-lumiere.com

 * Site : www.theatre-lumiere.com

BRUNO CORTOT /UN SACRE COM-PERE MOINE, APOTRE DES CHATS

Cette complicité-là et cette amitié datent d’une bonne vingtaine d’années, époque mémorable où je fus invité à l’assemblée Générale des Poètes de l’Amitié à Dijon. C’est Bruno Cortot, peintre et poète de Beaune, qui fut chargé de s’occuper de moi (Pas une mince affaire!). Les deux compères mangèrent et burent (de moine) plus que sagesse…et finalement, nous arrivâmes largement…en retard à cette réunion où nous étions attendus.

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Un zest iconoclaste, ce peintre (à l’embonpoint de bon vivant) n’hésite jamais à enfiler…la soutane de moine lors de ses escapades artistiques. Le verre à la main (le vers aussi, mais bon…), il ne choqua personne (sinon, encore eux : les verres !). Comme quoi, les moines font bien partie de la caste des épicuriens.

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Bruno Cortot s’est fait connaître, depuis des années, avec ses fameux « chats-moines » car c’est en pratiquant converti du coussinet et des vibrisses, sans compter de la sieste sur canapé, qu’il officie.

CORTOT 3 DESSINIl a réalisé les dessins pour mon livre « Hors de l’œuvre » paru en 1998, et plus récemment, en 2010, les illustrations de « Un amour de bicyclette ou la Flamme rouge »  où une fratrie de compagnons « vélo-cycl’O pédistes » allèrent faire bombance à Beaune à l’occasion de la parution de cet opus.

Frère en poésie, apôtre du bien vivre et des libations fraternelles, je lui devais bien –sinon une messe- au moins un légitime hommage. Notre amitié est née d’un retard. Depuis nous avons pris l’habitude de ne jamais être à l’heure à nos rendez-vous. C’est ainsi que naît l’imprévu dont sont issues les vraies rencontres.

                                                                                                               Laurent BAYART

Contacts / http://peintures-vitraux-du-cloitre.over-blog.com

LIVRE DE PATRICK PELLOUX/ LA FIN MAIS PLUS LES MOYENS…

Voici un livre atypique qui sort un peu (beaucoup) de l’ordinaire. Ecrit par le très médiatique médecin « urgentiste» Patrick Pelloux. Celui-ci nous raconte, sous forme de chroniques, (histoires annotées dans les amphithéâtres lors des cours magistraux de sa jeunesse », les « derniers jours des grands hommes ».

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La fin et la misérable agonie de ces illustres « futurs cadavres » sont décrites avec l’iconoclaste précision des détails scabreux. Moyen-âge où la médecine –somme toute sommaire – laisse les bactéries, la syphilis et le bacille de Koch (très couru aussi) envahir les organismes. Les compte rendus de l’ouverture des « coffres » (autopsie) sont édifiants…(petites natures s’abstenir !) Pauvre Louis XIII dont le corps est truffé d’ascaris lombricoïdes…Louis, le quinzième, étant victime de la variole (S’il est ouvert, aucun de ceux qui y auront assisté ne sera vivant dans huit jours.), Chamfort qui loupe son suicide et se charcute méchamment (Sans moi, je me porterais à merveille), Botul qui retranscrit ses derniers instants –reporter de l’ultime – dans ses carnets, Staline qu’on laissera mourir dans d’atroces souffrances, aucun médecin (il en a zigouillé un paquet !) ne voulant prendre le risque de se porter à son chevet. Sans compter le tableau réaliste de Waterloo et du débarquement en Normandie, loin de l’épique et de la gloriole, une foire à la tripaille…

Bref, un ouvrage plein d’en-saignements où l’auteur n’oublie pas aussi les animaux, héros de l’ORTF, acteurs et doublures impitoyablement décimés : Saturnin, Flipper, Rintintin ou Skippy…

Seul Nounours échappera à l’hécatombe, et pour cause, il est en peluche…

  • On ne meurt qu’une fois et c’est pour si longtemps – Les derniers jours des grands hommes – de Patrick Pelloux (Editions Laffont).

                                                                                                                   Laurent BAYART