Tous les articles par Laurent Bayart

NOUS SERONS ENSEMBLE SUR LA ROUTE.

photo de Claire-Elise

Pour Alphonse,

          Mon petit grain de sable, mon enfant, nous serons ensemble sur la route à porter les nuages sur notre dos, à imaginer des jours meilleurs et à sourire au soleil qui viendra nous caresser le râble, tel un sac à dos mais, moins le poids des fardeaux et de ses cailloux. Nous serons deux sur la route, et qu’importe si les orages grondent autour de nous, la jubilation d’aimer et ses vagabondages suffiront à nos ivresses. Mon petit, le monde a besoin de petits lutins comme toi pour donner du sens à nos existences, pour semer des graines d’espérance dans la folie des jours obscurs et de ses urubus. Sur mon dos, comme sur un destrier, tu viendras à bout des moulins à vent et des caresses fourbes des chardons. Demain nous appartiendra car il faudra tout réinventer.

Mon petit grain de sable, aussi vaillant qu’une plage qui s’ouvre sur l’immensité de l’océan, nous serons ensemble jusqu’au bout de toutes les routes et même au-delà de ses confins.

A l’image d’un chemin de Compostelle, le cœur tel un coquillage, le chant de la mer nous enchantera et nous fera rêver, plus loin que demain…

Le monde t’appartiendra, car les routes s’ouvriront comme des cantiques qui chanteront leur liturgie au bout de nos semelles.

                                                               © Laurent BAYART

                                                                       10 juillet 2022

LIVRE / LE SHOW DE LA VIE OU UNE PETITE MERVEILLE DE LA LITTERATURE CHINOISE NEOREALISTE.

          Chi Li, rien à voir avec le con carne…de la cuisine du Texas mais plutôt avec la tambouille chinoise, car dans ce roman écrit par cette auteur(e) née en 1957, réprésentante du courant néoréaliste chinois, il est question de cous de canard « sortis tout droit de l’imagination de la romancière qui sont devenus la spécialité du lieu (Wuhan), et que l’on vient désormais déguster des quatre coins (coin coin !) du pays » !

Nous voilà dans la fameuse et animée rue du Bon-Augure au cœur la grande ville de Wuhan (citée née de l’agrégation de trois villes à l’origine distinctes : Wuchang, Hanyang et Hankou) où officie un personnage sans nul autre pareil dénommé Célébrité, femme à l’intelligence suprême qui lui a permis de sortir du lot, pragmatique et pugnace : …de toute la rue, elle était la seule à vendre des cous de canard, personne n’ayant osé la concurrencer sur ce créneau. Et plus loin, l’écrivain(e) de rajouter : La rue du Bon-Augure est un fantasme, une sensation, c’est un port flottant sans entraves, c’est une grande liberté, une grande libération, un grand fatras, un grand chaos, une longue nuit où l’on peut rêver les yeux grands ouverts. C’est le Show de la vie que tout le monde joue sans s’être concerté.

Ce destin exceptionnel, en mode féminin, porte à bout de bras son jeune frère drogué et se dépense sans compter pour assurer l’avenir de son neveu, négligé par une femme frivole. Elle porte et supporte ainsi les destinées de sa famille et de son entourage, comme une mère Térésa laïque et déjantée, mais dotée d’une force de caractère qui en fait un personnage attachant : Qu’est-ce que les gens qui vivent la nuit détestent le plus, c’est qu’on vienne frapper à leur porte en plein jour. Voilà une magistrale entame d’un livre passionnant qui vous régalera les papilles d’un récit qui vaut -sans conteste- le cou…de canard !

                                                               © Laurent BAYART

  • Le Show de la vie de Chi Li, roman traduit du chinois par Hervé Denès, Actes Sud, Babel, 2011.

LIVRE / GERARD PORTE, UN MEDECIN QUI AVAIT PLUS D’UN TOUR DANS SON SAC OU PLUTÔT DANS SA MUSETTE…

          La photo en dit long sur la complicité, l’empathie et la bienveillance du docteur Gérard Porte, qui soigne dans sa roue l’immense Fabien Cancellara. L’homme au stéthoscope fut médecin officiel sur le Tour de France, durant 39 ans, avant d’être « remercié » et remplacé par des technocrates de l’emplâtre qui -apparemment- « n’entendent » rien au cyclisme, alors que notre blouse blanche fut un aficionado et un amoureux inconditionnel du vélo. Lui qui, dans son village de Haute-Marne, gardant les vaches, leur attribuait des noms de champions cyclistes en établissant, une fois rentrées à l’étable, le classement général du jour ! Avec un maillot… blanc ?

Ses souvenirs nous plongent dans la douce nostalgie de ces moments où l’aventure cycliste restait encore à portée humaine. Dans son cabriolet décapotable tout floqué de blanc, à l’effigie d’Aspro, il traîne en queue de peloton où l’on retrouve les directeurs sportifs, les commissaires, le service médical, le dépannage…et la voiture-balai ! Les soins se feront en course. Après des chutes massives, j’ai souvent vu les coureurs faire littéralement la queue derrière ma voiture pour quelques nettoyages, pansements et antalgiques. C’est impressionnant. Leur courage mérite le respect. Temps héroïques où les coureurs s’arrêtaient pour siroter une bière…et écouter – par exemple – les pulsations du cœur le plus lent à ce jour : 27 battements par minute…Le palpitant du cycliste suisse Mauro Gianetti. Enorme lorsqu’on sait que la moyenne chez Monsieur Toutlemonde se situe entre 60 et 80 battements par minute ! rajoute le toubib roulant. Il y eut des chutes gravissimes, des « passages » dans des ravins ou la mort tragique de Fabio Casartelli. Mais, il rajoute que tout cela constitue une terrible exception : En général le bilan médical d’un Tour tient pour moi du miracle. Cinq fractures bénignes sur 600.000 kilomètres parcourus par l’ensemble du peloton.

Il revient aussi sur l’inévitable problématique du dopage, des amphétamines, de l’EPO et tutti quanti. Il gardait une grande sympathie pour Lance Armstrong, vainqueur de sept Tours de France qui lui furent « retirés ». C’était – bien entendu – « avant », le livre ayant paru en 2011…

Gérard Porte accueillit un panel impressionnant d’hommes politiques, de stars et de vedettes tous azimuts dans sa voiture blanche. Une aventure humaine et sportive improbable sous le talisman du caducée en forme d’aspirine…Un grand monsieur dévoré par la passion de servir et d’aider les autres !

                                                                            © Laurent BAYART   

Médecin du Tour, de Gérard Porte, Albin Michel, 2011

SUR L’ECRITOIRE DES NUAGES

Époustouflante oraison de nuages dans le ciel. Ils jouent de l’arpège sur la toile tendue de l’azur. Je voudrais me perdre un instant dans cette chevelure gazeuse, m’imaginer épervier ou échassier à jouer du piano avec la tablature et les partitions des vents. Mais le calme règne, tout semble figé au-dessus de nos têtes. Les gouttelettes de pluie restent dans leur casemate de cumulus. Je voudrais être une hirondelle afin de rédiger un poème sur ce feuillet volage. Les mots accrochés à ma plume, mais on n’écrit plus guère sur ce genre de véhicule calligraphique. Les plumes d’oie ont disparu. On fait -désormais- de la gastronomie avec le foie de ces animaux…C’était le temps où les missives prenaient des jours et des jours pour parvenir à leurs destinataires, au rythme d’une malle-poste. Jadis, les êtres humains n’étaient pas pressés, mais aujourd’hui, les messages électroniques filent et fusent à la vitesse de la lumière. Il nous faut répondre instantanément, comme un flash sur la queue d’un orage.

Les nuages, qui font du surplace sur le cahier à spirales des nuée, laissent mes mots muets.

Ils cherchent un point final, mais la casse du Grand Typographe Timonier ne contient pas la bulle de champagne de cette terminaison.

Alors, je continue à rêver en regardant le ciel…

                                                                        © Laurent BAYART

                                                                            3 juillet 2022

LIVRE / LE DISCOURS, C’EST TOUT UN ART OU LES PLUMES DU POUVOIR.

         Le discours demeure, depuis la nuit des temps, une joute oratoire et un exercice d’éloquence pour convaincre et marquer les esprits, l’ouvrage de Michaël Moreau démontre également qu’il s’apparente à un pensum littéraire et historique, parfois périlleux…où de grandes plumes ont ainsi joué les « nègres » ou plutôt les « prête plumes » et autres sous-traitants !

« Le discours, c’est le moment où tout se joue, où le Président s’engage » affirme, un orfèvre en la matière, Henri Guaino, plume de Nicolas Sarkozy. « Le discours, c’est la messe des hommes politiques » rajoute Emmanuelle Mignon, l’ancienne directrice du cabinet du même homme politique. Ainsi, les archives de l’Elysée nous offrent des chiffres intéressants sur la « prolixité » de certains ténors. Ainsi, on recense 677 discours de Charles de Gaulle, 298 de Georges Pompidou, 956 de Valéry Giscard d’Estaing, 2.313 de François Mitterrand, 778 de Nicolas Sarkozy et 1.126 de François Hollande…Revenant sur Charles de Gaulle, André Passeron nous apprend que l’homme de Colombey écrivait lui-même ses interventions et avait pris des cours de théâtre avec le comédien, sociétaire de la Comédie Française Jean Yonnel. On découvre également, qu’avant chaque déplacement à l’étranger, Charles de Gaulle apprenait par cœur quelques phrases dans la langue du pays visité. Quant à son fameux « Vive le Québec libre ! » qui fit scandale sur le balcon de l’Hôtel de ville de Montréal, le 24 juillet 1967, on nous révèle que cette phrase, qui suscita de belles vagues au Canada, n’était pas du tout improvisée…

Giscard d’Estaing (alors, ministre) resta aussi dans la postérité, en octobre 1964, avec un discours de trois heures et demie, prononcé sans aucun papier…Un discours avec des centaines de chiffres ! 

L’écrivain Erik Orsenna, grande plume de l’ombre, se définissait ainsi comme le nègre principal des discours subalternes. 

Proche des littérateurs et des poètes, Dominique de Villepin, inspiré par Arthur Rimbaud, trouve l’adjectif « abracadabrantesque », une prouesse linguistique ! On se rappelle aussi la grande diatribe verbale orchestrée le 8 novembre 2002, dans le cadre onusien, où cet artiste du verbe fustigea les Etats-Unis et Colin Powell qui exhibait de fausses preuves, en sortant de son chapeau une fiole censée détenir de l’anthrax fabriqué par le régime de Saddam Hussein. 

Et pour conclure, l’auteur de déplorer : Regardez aussi l’évolution aux Etats-Unis, de Kennedy à Trump…Il y a une indiscutable régression de l’éloquence. Ah que reviennent les stradivarius du verbe !

                                                                            © Laurent BAYART

  • Les plumes du pouvoir, tous les discours ont une histoire, de Michaël Moreau, Editions Plon, 2020.

LES PEREGRINS DE L’ABSOLU.

photo Rémi Picand

                                             A Brigitte et Rémi Picand,

         Les chemins verticaux, qui vont vers l’absolu, passent souvent par les sentes horizontales qui vous font pérégriner et psalmodier le cantique de cette marche fraternelle qui nous emmène au-delà de nous-mêmes, à la rencontre du chuchotement de Dieu. Il parle dans la conque de nos oreilles. Prière d’un instant de grâce. J’aime me rassasier et savourer le paysage qui déroule sa verte romance et ses dénivelés devant moi. La route est belle quand elle fait chanter mes souliers. Les ampoules aux pieds constituent des lumières de tabernacle, lucioles catadioptes, mais cette croix sur le dos est comme le talisman d’un coquillage enchanté. Celui de Compostelle. Qu’importe le chemin, pourvu qu’il mène à un autel…disait un personnage de film indien. Me reviennent les paroles de la chanson de Jean Humenry : 

LA ROUTE EST COURTE,
CE S’RAIT DOMMAGE
DE SE CROISER
SANS S’REGARDER
LA ROUTE EST COURTE,
CE S’RAIT DOMMAGE
DE SE CROISER
SANS S’RENCONTRER.

Moi, j’aime m’égarer dans la rencontre de l’autre. Un sourire échangé, une parole et le monde devient plus beau.

Marcher ensemble, dans la même direction, et avoir le goût de l’essentiel dans l’âme, c’est vivre dans l’intensité et la jubilation d’avancer. 

Et cette femme, au loin, sur la nef du dôme de cette église ou cathédrale, est-ce la Vierge venant à la rencontre du pèlerin ? 

Chaque pas est un miracle sur le chemin.

                                                 © Laurent BAYART

                                                                            23 juin 2022                                                    

LIVRE / LA PAPETERIE TSUBAKI ET REPUBLIQUE DU BONHEUR D’OGAWA ITO.

          Ce sont de petites merveilles de lecture asiatique que constituent les ouvrages d’Ogawa Ito, une référence de la littérature japonaise.  La papeterie Tsubaki nous emmène au cœur de la ville de Kamakura, dans une petite papeterie que la grand-mère d’Hatoko lui a léguée. Ecrivain public et orfèvre de l’écriture journalière et des formules épistolaires, elle se retrouve sollicitée pour la rédaction de missives tous azimuts et cela revient à réaliser un exercice de style et un art de la calligraphie remarquable ! L’art vient mettre ainsi son grain de sable sur la feuille de papier qui devient magique et enchantée. Etre écrivain public, c’est agir dans l’ombre, comme les doublures des grands d’autrefois. Mais notre travail participe au bonheur des gens et ils nous en sont reconnaissants…Faire-part de divorce, lettre de rupture, courrier venu d’un mort, message d’embauche ou lettre d’excuse…Les mots font de la chorégraphie parce qu’une lettre, c’est comme l’incarnation d’une personne et l’auteure de rajouter : Une belle écriture ne tient pas à une graphie régulière, mais à la chaleur, la lumière, la quiétude ou la sérénité qui en émanent.

Ogawa Ito nous régale aussi avec ses références culinaires qui mettent nos papilles à rude épreuve, même si elle se délecte à poser sa langue sur le dos des timbres : les produits utilisés au dos sont de l’acétate de vinyle et de l’alcool polyvinyliques, des substances inoffensives. Quand j’étais enfant, moi aussi j’adorais lécher les timbres. Et de nous rappeler que c’est l’Angleterre qui a inventé le premier service postal à port payé du monde. En effet, jusqu’à alors, c’était le destinataire qui réglait à réception de la lettre…Dont acte. 

Ces deux ouvrages nous ravissent par une plongée dans un monde de lettres et du partage avec les autres, théâtre de réconciliations inattendues où la calligraphie devient beauté et œuvre d’art à part entière.

                                                                                 Copyright : Laurent BAYART 

  • La papeterie Tsubaki, Editions Philippe Picquier, 2018.
  • La république du bonheur, Editions Philippe Picquier, 2020 de Ogawa Ito.

LAURENT BAYART DANS LE NUMERO ESTIVAL DE LA REVUE ALSACIENNE DE LITTERATURE.

Super numéro estival de la Revue Alsacienne de Littérature, avec son cent-trente-septième opus ! Une référence de longévité dans le monde des publications littéraires. J’ai eu le bonheur de publier quatre textes inédits sur le thème des « marges ». Edition également de mes articles et notes de lectures sur les ouvrages d’Albert Strickler, Martin Adamiec, Valériu Stancu (littérature roumaine), Gérard Blua et Patricia Chabas, l’organisatrice inspirée du salon du livre de Souffelweyersheim. Focus également sur la très belle revue confrère méridionale, « Les Archers ».

  • Revue Alsacienne de Littérature, numéro 137, été 2022. BP 30210, 67005 Strasbourg Cédex.

LE PETIT GARCON QUI PARLAIT A SON CHIEN.

photo Marie Bayart

                                                                         A Alphonse,

         Dans l’exubérance verte d’un pâturage chante le cantique de la liberté et l’ivresse de vagabonder avec toi, mon compagnon à quatre pattes. J’aime ces voyages de l’instant où les nuages et le bleuté du ciel se confondent et  se mélangent avec les herbes folles et les fleurs des prés. J’adore m’enivrer en ta compagnie, étrange et secrète connivence qui fait qu’un petit garçon parle à son chien ! Nous sommes sur la même longueur d’onde, au diapason du monde et de ce partage de tendresse que l’on se donne. On se comprend dans le langage du non-dit. Tu aboies de joie et moi, je m’esclaffe devant tes cabrioles de bonheur.

Plus loin, le porte-plume d’un oiseau m’offre la possibilité d’écrire ces moments de jubilation et de les laisser à la discrétion du temps. Plus tard, je serai écrivain pour dire l’inimaginable amour entre les êtres vivants.

Un jour, le monde sera si beau que l’on ne pourra plus se séparer.

Et nous resterons dans ce paysage comme dans une photo ou une peinture.

On appelle ça l’éternité, sauf qu’il y aura des étoiles à nos rendez-vous.

                                                                                   19 juin 2022

© Laurent BAYART                                                              

UNE TABLE RONDE ET DEUX CHAISES PLIANTES.

         C’est un rendez-vous et une incitation à se poser dans l’instant sacrifié à la fuite du temps. Des chaises installées sur le carrelage de la terrasse en quête de rencontres. Se retrouver enfin ! Cela faisait si longtemps. Une éternité… Le décor est planté pour nos retrouvailles. Il manque quelques verres et une bouteille. Nos existences sont en quête de cette ivresse des échanges. L’heure tourne avec le soleil. Nos ombres attendent nos corps. Un invisible serveur propose une bière. Mais où sont donc passés les personnages de cette photo ? Des gens déambulent et tournent autour de nous, mais nous ne sommes pas encore dans le moment présent. Les chaises attendent impatiemment notre venue.

Nous ne nous trouvons pas là. Certainement, ailleurs et nulle part.

Probablement attablé à un autre endroit.

Le monde est si vaste que nous ne savons plus sur quelles chaises nous nous sommes abandonnés…

Et nos existences se cherchent sur la ligne tendue d’un méridien.

Mais où donc ?

                                                                          ©  Laurent BAYART

                                                                                   14 juin 2022