Archives de catégorie : Blog-Notes

LIVRE / PALPITANTES IVRESSES GUERRIERES ET AUTRES INTRIGUES AU PAYS DES SHOGUNS.

          Les pavés ou autres fresques historiques, avec un impressionnant tableau des personnages en liminaire, vous font soit complètement « dévisser » devant l’approche labyrinthique de la généalogie et de la parenté des protagonistes, ou bien (effet inverse) vous font entrer dans une narration palpitante et rondement menée qui vous emmène dans une fresque –quasi cinématographique – haletante et passionnante. C’est finalement le deuxième cas de figure qui s’est produit à la lecture de ce roman de Jocelyne Godard qui s’articule, sans aucun temps mort- sur cinq cent quarante pages.

L’auteure, « passionnée par la vie des femmes célèbres du passé », nous raconte l’histoire d’une femme à la destinée singulière et à l’incroyable force de caractère, Masako l’épouse de Minamoto Yoritomo qui devint le premier shogun du Japon. Femme guerrière et quasiment samouraï qui traversera les ornières du temps, les batailles et les noueuses intrigues pour hisser son guerrier dans les sphères du pouvoir. Elle devra d’abord « besogner » afin de pouvoir offrir un fils à son gladiateur, passeport indispensable pour assurer la pérennité du nom. Un fils ! Il lui fallait un fils. Cela lui devenait aussi nécessaire que l’air pour respirer ou l’eau pour boire. Guerroyer aussi avec les ambitions des concubines qui –elles aussi- recueillent la divine semence afin de procurer aussi au noble combattant un mâle successeur ! Tout cela, sous fond de gigantesques batailles entre le clan des Taïra et celui des Minamoto dont elle fait partie. Il faudra donc éliminer, les malines intrigantes et les éloigner du Shogunat. A signaler, le tableau « gargantuesque » des batailles et les descriptions qui sont une forme de prouesse, presque un gigantesque tableau où l’on perçoit les cris, l’on sent les fragrances de la tripaille et l’intense palpitation des combats au katana. On pourrait presque s’imaginer que le narrateur en a été le témoin, tant les descriptions sont finement ciselées.

Et pour le mot de la fin, je reprendrai les propos de Masako, femme au sang bouillonnant, qui résument la force et la grandeur du destin qu’elle taillera dans l’airain : – Tout d’abord, précisa-t-elle d’un ton sec, apprenez que je suis et resterai la seule épouse du Shogun. Les autres n’étaient que des courtisanes et des concubines…

                                                           Copyright : Laurent BAYART 

– Dans les plis du kimono de Jocelyne Godard, Editions Philippe Picquier, 2009.

LIVRE / ZHU XIAO-MEI OU UN PIANO AU FIL DE LA RIVIERE…

         La Chine occupe actuellement l’actu, par le biais de ce virus qui plombe l’ambiance de la planète, je vous propose de rester dans l’Empire du Milieu, par un autre biais, cette fois-ci, celui de la littérature et de la culture, avec le livre de la pianiste virtuose Zhu Xiao-Mei, devenue une concertiste de renommée internationale. Pour l’heure, celle-ci nous plonge dans la révolution maoïste et les camps de « rééducation » pour intellectuels, bourgeois et autres, que l’on appelait Chushen Bushao, des gens de mauvaise origine. Pas très reluisant tout cela…

Plongé dans La rivière et son secret par le témoignage de Zhu Xiao-Mei, elle nous propose une saga familiale (son père, étant considéré comme un opposant au régime) tout à fait particulière, dans un climat rendu délétère par cette révolution qui pousse les Chinois à la délation (même envers ses parents !) et à des séances de dénonciations et d’autocritiques qui tournent à la flagellation morale mais aussi corporelle. A la maison, s ‘il n’y avait pas de jitai (autel des ancêtres), il se trouvait bien un piano comme un talisman qui la protégera durant toute sa vie. La petite fille de l’époque nous confie : Il n’y a guère que lorsque je joue du piano que je ne me fais pas gronder. Peut-être le son de l’instrument fait-il rêver mon père à une vie meilleure…

Elle racontera, qu’une simple blague, déguisée en tentative de suicide sur un toit, se retournera contre elle et la fera passer pour une séditieuse. On l’enverra – illico – dans un camp de « rééducation », à Zhangjiako, aux frontières de la Mongolie Intérieure, le suicide n’étant pas toléré !

Début d’une vie spartiate, faite d’humiliations quotidiennes où on lui serinera la phrase/marteau : Si vous comprenez, vous devez appliquer. Si vous ne comprenez pas, vous devez appliquer quand même. C’est en appliquant que vous comprendrez. 

La jeune femme rendra un hommage appuyé et tendre à son professeur de piano Pan Yiming dit « Maître Pan ». Après, bien des aléas, Zhu Xia-Mei pourra quitter le pays, via Hong-Kong puis les Etats-Unis où elle s’établira, avant de venir en France. En un an, elle aura changé trente-cinq fois de logement…

Elle s’accomplira par la suite, grâce à sa passion pour la musique et du piano : la Révolution culturelle m’a pris ma jeunesse, à moi et à toute ma génération. Je veux rattraper le temps perdu…Avec pour compagnons de route Bach  (Les Variations Goldberg)et Beethoven. Parfois, le destin prend la poudre d’escampette. Ca s’appelle- tout simplement – la liberté.

                                                           Copyright : Laurent BAYART

La Rivière et son secret, des camps de Mao à Jean-Sébastien Bach : le destin d’une femme d’exception de Zhu Xiao-Mei, Robert Laffont, 2007.

BILLET D’HUMEUR / ACTE 102/ LA PLUIE « CONFINE » L’EAU SUR LA VITRE

L’autre jour, les nuages ont joué un ballet aérien en mode arrosage intensif. Staccatos et bourrades de vents en grains de pluie de haute densité de vibrations. Des gouttes d’eau, en lutins de flaques venues du ciel, se sont invitées sur les parois des vitres de la maison. Voici qu’elles ont dessiné une bien curieuse et surprenante carte de la météo du jour. Pas folichon ! Arabesques multiformes qui s’écoulent et gouttent, figées sur la surface de ce miroir/fenêtre. Multitudes de cotillons translucides et liquident qui s’accrochent à ce paysage, œilletons de grésil qui fixent le proche voisinage. Elles sont belles et vivaces ces instantanées de printemps grivois qui se prennent à raconter leur histoire d’eau. Erotisme fluvial en mode imaginaire.

Moi, j’aime entendre et regarder postillonner la pluie sur les carreaux. Porte-voix des nuages qui filent dans le ciel à toute berzingue, poussés par la turbulente brise rebelle, comme des cerfs-volants, dont le bout de ficelle aurait craqué. Les mains d’un enfant les ont laissé filer…comme on jette une bouteille à la mer.

La pluie est restée « confinée » sur la vitre. Elle prend le tempo de l’actualité, avant de repartir pour les lointains. Le soleil ayant passé son sèche-cheveu sur l’éphémère existence  de ces gouttelettes désormais évaporées. 

Elle semble cependant avoir dactylographié un sibyllin message sur la feuille de la vitre. Hiéroglyphe que je suis bien incapable de déchiffrer. Il faudrait un Champollion en parapluie et sa grenouille savante pour me dévoiler le secret de ces mots en gouttelettes d’alphabet.

Qu’a voulu me dire la pluie ?

                                                           Copyright : Laurent BAYART

BILLET D’HUMEUR / ACTE 101 / DE MASQUES A RADE EN MASCARADE

         Et, pan ! démie…oblige, nous voilà masqués/sapés (m’enfin presque…) comme des princes de carnaval. Mais, que nenni, il n’y a pas de loups ou des Pierrot/Colombine vénitiens ! Ici pas de gondoles non plus, ni de vaporettos, de confettis, serpentins et tutti quanti ! Nous avons affaire à des masques de protection sanitaire car le coronavirus avec son déguisement/cagoule à tête de mort nous guette, embusqué dans les tréfonds du monde de l’infinitésimal microbien. Il nous guette avec perversité dans les bas-fonds de l’invisible.

Alors, voilà t’y pas que nous nous affublons de ces curieux attributs, appendices en tissus, colorés, fantaisistes pour certains, d’autres sont plus classico-classiques, manière de protection chirurgicale avec trois couches de polypropylène ou des bidules pour la bricole de chez Castorama ou Leroy Merlin, genre travaux du dimanche. Chacun y allant de son ingéniosité !

Devant une surprenante et improbable pénurie, il aura fallu s’en remettre à l’inventivité de tout un chacun et à sa verve créatrice. Les maisons et appartements des particuliers devenant des ateliers de couture. Les petites mains ont fabriqué des gants, voire des fourreaux pour les visages. Incroyable et surréaliste situation ! Dans le genre Aide-toi (démerde-toi) et le ciel t’aidera !

C’est un peu comme si en plein carnaval, chacun avançait à visage découvert, sauf la grimace gargouille du sale minois du corona mordicus virus ! Il vous crache à la figure ses microbiennes invectives. Les pharmaciens et  disciples d’Esculape apprécieront notre extrême légèreté & autre dilettantisme.

Je tousse du bois ! J’ai eu de la chance de ne pas tomber malade ! car j’avais le nez et la bouche ouverts à tout vent ou plutôt à tout postillon ! 

Une fois le carnaval passé, il reste un char à encore défiler –pas marrant du tout – qu’on appelle corbillard. Dénommé prosaïquement voiture-balai en mode Tour de France…

Et une fois entré dans son officine ambulante, il vous faudra rendre votre dossard : je voulais dire votre masque…

                                                           Copyright : Laurent BAYART

                                                                       4 mai 2020

BILLET D’HUMEUR / ACTE 100 / 1er MAI FETE DU TRAVAIL, MAI …QUE SE PASSE-T-IL DONC AU PAYS DES CONFINés ?

          Drôle de 1ermai, cette année. Ce fichu virus s’est collé aux jolies clochettes, liliacées porte-bonheur, de nos brins de muguet. Fête du travail, ou plutôt du télé travail, confinement (des)oblige. Les « travailleurs », qui voyaient « rouge », défilent (très clairsemés) sur leurs balcons. Trois selon les syndicats. Un selon les forces de l’ordre.  On pousse les géraniums et les jardinières de madame ! Faut faire de la place. Où donc sont passées les manifestations « vintage » de ma jeunesse, les cortèges serrés en rangs d’oignons de la cigété où, mômes, on nous envoyait à la volée des bonbons que nous nous empressions de ramasser ? Le macadam était alors en goguette du côté de la place de la Bourse (la bien nommée !) à Strasbourg. Il y avait même des fanfares et des airs de musique entre les harangues/discours des syndicalistes. Nous adorions les rassemblements et autres manifestations. Pour rien au monde, loupiots, nous ne…loupions ces événements. Temps festifs et revendications en gloriette de bonne humeur. Eh oui, c’était l’bon temps !  

Aujourd’hui, le confinement a plombé l’ambiance. La pandémie aux couleurs microscopiques du coronavirus a voilé nos visages de masques, caché nos sourires, enfilé des gants à nos mains et posé de la distance sur nos rapports humains. Fini les bisous et les poignées de main. Vive les « gestes barrières » ! Les rues sont désertes. Les balcons truffés de caméras de surveillance qui zieutent la rue…

Un gars se balade avec une banderole. Vite, appelez la police ! 

Il s’avère que ce « manifestant » est tout simplement un mec qui se trouvait sur un balcon et qui –pris de folie- a sauté…

Bon, rassurez-vous : il habitait au rez-de-chaussée. Poisson d’avril.

                                                           Copyright : Laurent BAYART

                                                                       1er mai 2020

LIVRE / LES DROLES DE ZOMBIES DU COREEN KIM JUNG-HYUK.

Contrairement aux apparences, et à ce titre un peu trompeur, nous n’avons pas affaire à un ouvrage d’horreur, destiné à nous faire frissonner, mais plutôt à une talentueuse narration complètement déjantée d’un jeune auteur coréen qui nous régale avec ses (presque) sympathiques zombies. Agréable récit qui offre aux lecteurs une festive récréation dans une inspiration débridée (littérature asiatique oblige !) à en réveiller…les morts !

Kim Jung-Hyuk  nous emmène dans la ville de Gorio où toutes les communications se trouvent brouillées à cause de ces morts-vivants qui déambulent, comme des objets désarticulés dans une ville improbable qu’il invente en un cauchemar inspiré. Rencontrer un zombie, c’est scruter un espace vide, un trou sans fond.Le narrateur, Ji-Hoon – travaille dans la détection des signaux d’antennes relais -, se déplaçant dans une voiture-appartement dans laquelle se trouve, située dans le coffre, une chaîne stéréo vintage, avec disques collector…Musique à fond la caisse sur fond d’apocalypse. On pourrait y mettre du Pink Floyd pour planer !

Ainsi, nous allons à la quête de surprenants personnages, comme par exemple Hong Hye-Jun qui nous explique le jeu de Daïto pour lequel il s’agit de deviner dans quel ordre vont mourir les gens de la ville, avec indication sur les « candidats » et leurs états de santé et autres paramètres ! Autre particularité de la ville : au cimetière, les corps sont enterrés à la verticale, ce qui prend moins de place mais où les fossoyeurs ont plus de boulot car il faut creuser plus profond : s’y exprime aussi la croyance  des gens que le défunt continue à vivre dans une autre dimension et ne disparaît pas. 

Drolatique aussi cette chasse aux zombies où il est question de les « prendre » vivants : -Pourquoi les avoir pris vivants ? Parce qu’on ne peut pas les tuer. –Vous ne pouvez pas les tuer ? –On ne peut pas tuer à nouveau celui qui est déjà mort…

Et surtout, amis lecteurs, évitez de vous faire mordre par ces créatures, sinon vous allez – vous-même- faire partie de ces cadavres qui marchent sans but, à l’image de jouets dont on a oublié d’enlever les piles…Et, une fois remontées comme des toupies, difficile de les faire dévier de leur éternité…

                                                           Copyright : Laurent BAYART

Zombies, la descente aux enfers de KIM Jung-Hyuk, Decrescenzo Editeurs, 2014.

BILLET D’HUMEUR / ACTE 99 / FOOT / CLAP DE FIN SUR LES THEATRES AUX TRETEAUX DE RECTANGLE VERT

la situation est complètement foot…

         Franchement, vu la situation sanitaire liée à la pandémie du coronavirus et du confinement décrété depuis le 17 mars dernier, avec l’arrêt de tous les rassemblements publics, notamment les compétitions sportives, on pensait bien que la saison 2019/2020 des championnats de ligues 1 et 2 se termineraient en queue de poisson et qu’ils allaient prendre un sacré coup dans les ailes ! Qui pour tirer les corners ? On a donc appris hier (prière d’en finir) que le rideau s’est définitivement baissé sur les championnats de football, dont la ligue 1 qui se termine à la 28èmejournée (sur 38) avec de nombreuses interrogations sur la manière d’établir le classement final et de multitudes de questions pratico-pratiques, organisationnelles, véritables casse-têtes pour les responsables et coups de grisou financiers en direction des clubs…Les bas de laine de leurs chaussettes vont se déchirer…Business or not business…That is maintenant la quouaztionne ! L’arbitre/1erministre, homme en noir, a sifflé la fin des matches qui laisse les aficionados sur leur…faim. Le calendrier toussote. Qui pour tirer le coup-franc ?

Le spectacle est donc terminé. Il reprendra – si tout va bien (pas si sûr !) – au mieux en septembre. Les comédiens en short en en crampons vont déserté les scènes de gazon et les stades plein comme des œufs. L’omelette footballistique a décimé les poulaillers ou autrement dit Faites vos jeux (œufs), rien ne va plus ! 

On ne parle ici que de foot, mais idem dans les autres disciplines sportives et manifestations culturelles.  Le virus des annulations a dévasté les terrains d’entrainement et les salles de spectacle. Les intermittents sont aux abois. « Séché » dans la surface de réparation: qui pour tirer le pénalty ?

Et voilà : c’est bel est bien fini. Cette saleté de virus aura réussi à dégonfler la balle en cuir. Plus d’air dans les alvéoles de ses poumons ronds. L’homme en noir lève le bras pour réclamer les hommes en…en blanc. 

Les soigneurs de la croix rouge sont désormais les seules ballerines de ces salles de spectacle en herbes et à ciel ouvert. Les brancardiers arrivent en courant. Un coup de spray d’un soigneur sur la cuisse d’un joueur, qui se tord de douleur, ne suffira plus…

Les gens applaudissent sur leurs balcons.

Silence hôpital.

                                                           Copyright : Laurent BAYART

                                                                       29 avril 2020

BILLET D’HUMEUR / ACTE 98 / ALPHONSE L’EXPLORATEUR DANS UN JARDIN EXHUBERANT ET EN GOGUETTE !

Alphonse, le petiot-explorateur, lutin du minuscule qui marche à ras les pâquerettes et ensoleille nos existences, voilà que tu t’offres une grande bouffée d’oxygène verte dans l’exubérance de ce jardin où les fleurs et les herbes folles on décidé d’être en goguette. Tu te régales et te délectes de ce monde qui s’est mis à pousser à ton aune et à ta dimension. Au diable, la tondeuse du coiffeur, ce Figaro des jardins, le monde est si beau lorsqu’il reste un peu sauvage ! Une manière de jungle déguisée en jardin presque potager, sauf que les pissenlits sont devenus des orchidées et les merles, juchés sur les pommiers, des aras et  autres cacatoès « explosant » de couleurs sur leur plumage…

Haut comme trois pommes, tu joues les aventuriers dans cette folie végétale qui t’enchante et te rend si heureux. Instants à croquer et à grignoter avec tendresse et passion. Et parfois, tu te prends à souffler, comme s’il s’agissait d’une bougie, sur les akènes blancs d’un pissenlit qui s’envolent à tout vent, semer ton message d’espérance dans les airs vers le monde de demain que tu imagineras. On dirait presque le logo du dictionnaire Larousse …

Alphonse, plus tard, tapisse ta chambre de cette allégresse de verdure pour que ta vie chante à jamais le bonheur de l’essentiel, comme tes cousins, Camille et Jules, vous lirez, plus tard, dans nos absences, la joie d’être toujours à vos côtés, anges gardiens des mondes invisibles. Peut-être l’Eden ressemble-t-il à un jardin comme cela ?

Paul Fort, un poète (il faudra que tu écoutes leurs voix plus tard !), écrivait il y a bien longtemps : Le bonheur est dans le pré, cours y vite, cours y vite, le bonheur est dans le pré, cours-y vite il va filer…

Alors, file avec le bonheur tel un talisman et n’oublie pas les quelques fleurs que tu portes dans le petit vase de tes mains ! Tu pourras les offrir à ta maman ! Car ce sont des lucioles qui viendront éclairer ton chemin buissonnier, marque-page sur ta route où l’instant ne connaîtra pas la grande noirceur du goudron mais l’ivresse d’un vert de poésie que tu rédigeras sur la page blanche que tu feuillettes en marchant.

                                    Copyright : Laurent BAYART dit Papy Lo et photo de Claire-Elise BAYART

                                                                                      

BILLET D’HUMEUR / ACTE 97 / JOURS HEUREUX DANS LE JARDIN

          Pendant que je travaille « d’arrache-pied » dans mon jardin, les oiseaux qui m’entourent me gratifient d’un concerto en flutes à bec. Le printemps réveille les mélomanes à plumes qui s’ébrouent comme de guillerets feux follets. Parfois même, une corneille ou une mésange se pose près de moi. Confidences d’ailes complices chuchotées dans la conque de mon oreille. J’ai même vu filer, comme un mirage, un merle transportant quelques brindilles de lilas, parfumant l’air à son passage. Gourmandises d’oxygène vivifiant qui me fait oublier la pesanteur du confinement dans la maison. 

Je suis en extérieur/jour dans le potager. Ravissement de ces instants précieux à croquer l’éphémère et savourer la seconde qui se pose langoureusement. La terre me chante la romance du labeur qui fait psalmodier la sueur le long de mon corps. Violoncelle dégoulinant et ruisselant d’un mince filet d’eau, telle une source bienfaitrice. Le jardin est une façon de salle de sport, en fenêtres grandes ouvertes sur un ciel azuréen et son bulbe de soleil rouge. J’aperçois un insecte lambda faire du rameur, un lézard s’adonner aux bienfaits d’un vélo elliptique, une fourmi  courir frénétiquement, une serviette éponge autour du cou, sur un tapis de course, tandis qu’un lombric tortille son corps d’athlète en faisant de la musculation…ventrale. J’ai même aperçu un chat de gouttière s’abandonner à l’agitation physique en s’octroyant quelques « pompes » avant de s’écrouler en tapis de poils sur une motte de terre, terrassé par les affres du sommeil. Les zzz d’une sonate en sieste majeure s’échappant de son museau…Quant au jardinier, pas de repos pour le spartiate/maraîcher de cet espace vert, le voilà qu’il s’attelle à bêcher son jardin, son dos tel un stradivarius voulant à tout prix éviter la fausse note du tour de rein.. 

Oui, qu’on se le dise, le jardin est une vaste et aérée salle de gymnastique !

Plus tard, en avançant dans la saison, les salades, haricots, courgettes, concombres ou autres potimarrons prendront  eux aussi leurs abonnements, mais là, il s’agit d’une autre histoire…

Celle des anneaux olympiques de l’assiette.

                                                          Copyright : Laurent BAYART

                                                                       21 avril 2020

LIVRE / LE TRUCULENT CARNAVAL COLOMBIEN D’EVELIO ROSERO.

Voilà une véritable pépite de truculence et d’exotisme venue de cette littérature sud-américaine si prolixe dont on connaît surtout l’œuvre de Gabriel Garcia Marquez et Luis Sepulveda, mais Evelio Rosero mérite plus qu’un détour, car cet auteur colombien nous offre une écriture majeure mêlée à une narration drolatique, récit picaresque qui coule dru et bouillonnant comme le fleuve Amazone !

Nous voilà, à suivre, le gynécologue Justo Pastor Proceso Lopez dans la petite ville colombienne de Pasto, célèbre pour son carnaval des Noirs et des Blancs qui se déroule du 2 au 6 janvier, durant lequel on enfarine allègrement les noirs pour les blanchir, la légende voulant que le tailleur de la ville répandit par surprise du talc sur les clientes d’un salon de coiffure en s’écriant « vive les blancs ». Notre bonhomme, bon vivant, se révèle être le mari de la pulpeuse et très courtisée Primavera Pinzon. Notre docteur d’en dessous du nombril, bête à corne, écumeur de bordel n’hésitant pas à endosser –carnaval oblige – l’intégral d’un costume de gorille…

Mais ce personnage à frasque se démarque surtout par son aversion pour le mythe et la statue du père de la nation, le grand mensonge de Bolivar ou le mal nommé libérateur, (titre de la sulfureuse (et courageuse) biographie référence de l’historien José Rafael Sanudo). Notre ami désirant faire réaliser un char à la gloire de Bolivar, sous forme de pamphlet carnavalesque…

Mal lui en prendra, car on ne jette pas ainsi les icônes dans les ordures, les aficionados du commandeur Bolivar lui feront payer tout cela, en monnaie de singe…

Epoustouflant récit que l’on écoute en lisant, comme une farce tragique en savourant l’aguardiente (boisson anisée avec alcool de canne à sucre) au rythme entrainant du charango, musique sud américaine oblige.

                                                           Copyright  Laurent BAYART

Le carnaval des innocents de Evelio Rosero,  Editions Métailié, 2016.