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J’AI REVE D’UN VRAI TOUR DE France / RETOUR ET REFLEXIONS EN VRAC SUR CE TOUR NIQUé…2015

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Bon, on nous a vendu l’édition du Tour de France 2015 comme une édition palpitante…Hum…Vous avez dit suspense ? Bon, mis à part la petite frayeur dans l’avant-dernière étape et le numéro de Quintana (et dans le même temps, le magnifique exploit de notre Pinot national), on ne peut pas dire que tout cela fut passionnant ! Le ciel (ou plutôt le sky) étant froomey ! Même si les 16 journées (sur 21) en jaune ne furent pas toujours de tout repos pour lui (à part les journées éponymes)…

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Durant ce Tour, si on a perdu le soldat Cavendish (qui n’avait plus trop la « banane »), on a trouvé le fougueux uhlan André Greipel qui a (sur)plombé les sprints. Les premiers coups de pédale furent placés sous la banderole de la « Grande Quinzaine de la Gamelle ». En veux-tu-en voilà. Le colombien Nairo Quintana fut impressionnant, passant du coke à l’âne. Notre condottière Alberto Contadore (qu’on t’adore) ne fit pas ses longues tirades habituelles en danseuse sur son vélo. Il était cuit-cuit après le Giro…Même si Vicenzo Nibali avait sous sa botte toute l’Italie, il a dû lui aussi abdiquer…Quant à nos vaillants français, ils furent héroïques et malchanceux. Trente ans après le blaireau Bernard Hinault, nous n’avons pas encore trouvé son successeur…Et quand on voit les calibres auxquels on a affaire, il faudra encore un peu patienter… Sauf à n’admettre que des coureurs français pour le prochain Tour de France. Et pourquoi pas ? La préférence nationale, ben alors ! Finalement, heureusement qu’il y avait le fantasque slovène Peter Sagan, le poète et aquarelliste d’un Tour où ne roulent plus que des calculateurs à oreillettes. Lui, n’en a fait qu’à sa tête ! Ah, les filles des podiums l’aiment bien celui-là… Fantaisiste et fantasque comme le fut peut-être l’Alsacien Roger Hassenforder. Il a donné le sourire aux crocs-niqueurs de la Grande Boucle. Car celui qui a gagné le paletot jaune fut constamment conspué, aspergé d’urine et de bière (cette dernière se transformant en ce liquide dans la vessie qu’on a souvent pris pour des lanternes…) Dopage du matériel aussi. Ah celle-là, depuis Cancellera, on ne l’avait plus entendu ! Bref, ambiance de suspicion et de doute aux abords des podiums…Le fantôme d’Armstrong plane encore sur la plus belle course cycliste du monde. Et puis, en spectateur lambda ou Skoda que je suis, j’aimerais –svp les organisateurs – que l’on concocte un véritable Tour de France, à l’image du « chemin de ronde » de l’époque. Et non plus, ce manège, un Tour niqué, tronqué, découpé, réduit à une moitié de l’hexagone. Et puis, un départ en France, pourquoi pas ? Une vraie compétition qui ceinturerait tout le pays ! On peut bien rêver, non ? Sans se prendre un jet de pisse dans la tronche !

Allez, je la (Grande) Boucle pendant un an ! A l’année prochaine !

                                                                                                                      Laurent BAYART

* photos originales de  Némorin (Erik Vacquier)

LIVRE/ LE RECIT POIGNANT DE JEAN HUMENRY QUI FAIT CHANTER LES EPREUVES ET DECHANTER L’ADVERSITE.

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J’ai écrit, dans mon dernier livre A pleins poumons, « on ne guérit jamais de sa jeunesse », le récit de Jean Humenry, Je n’ai jamais voulu faire pleurer les anges, me donne raison. Mon chanteur fétiche des années soixante-dix (voir article plus bas : Les airs magiques de Jean Humenry où les p’tits bonheurs d’antan) raconte le chemin escarpé, voire étranglé, qu’il a emprunté pour en être arrivé là. Et quel chemin ! Cet auteur-compositeur et poète qui chante l’ivresse des moissons et le temps des fratries retrouvées a longtemps (plus de cinquante ans) vécu avec le poids d’un terrible secret « enseveli sous une chape de béton, un sarcophage…

C’est à l’occasion d’un accident vasculaire cérébral arrivé en 2004 que les écluses du destin libèrent le flot d’un passé désormais trop lourd. Cette immense épreuve agira pour lui comme un révélateur, une rédemption…Les mots de la peur, et cette « boule dans le ventre » qu’il trimbale avec lui, l’affranchiront de la barbarie des adultes exercée sur l’innocence (les violences pédophiles). Ce très beau et poignant ouvrage raconte aussi cette fuite en avant, cette boulimie de vivre, de créer, de rencontrer et de chanter qui le fait, sans cesse, marcher sur le fil tendu de son destin. Avec pudeur, tendresse et aussi la distance de l’ironie, il raconte cette insouciante jeunesse qui le fait soulever des montagnes : La conviction, la force, l’utopie sont fascinantes… » Un peu à la manière de L’homme pressé de Paul Morand, il engloutit les kilomètres, les projets et les concerts, comme pour ne pas être rattrapé par les flammes qui courent à ses trousses. Jean Humenry traversera d’autres épreuves et accidents très graves, mais apparemment, le poète a de fidèles et solides anges gardiens !

Quel beau livre et témoignage, sans jamais connaître le fiel d’aucune amertume, mais avec un amour infini des autres et de l’existence, qui fait que l’homme se relève toujours des KO infligés par la vie…Et le chanteur de la Buttte Montmartre de nous avouer : C’est une espérance/ qui vient dans le froid d’un soir/ C’est une espérance/ Jaillie du brouillard/ c’est une espérance/ Qui bondit de cœur en cœur/ C’est une espérance/ qui efface nos peurs.

Et si l’Amour avait finalement raison de tout ? Il est venu le temps d’aimer ! (Pour paraphraser le titre d’un disque de Jean Humenry). Et en ces temps tourmentés, ce genre de message constitue une bonne bouffée d’oxygène. Et parfois, ça suffit pour éloigner les nuages ventrus et menaçants…Il faut simplement y croire.

                                                                                                                      Laurent BAYART

* Je n’ai jamais voulu faire pleurer les anges, récit, de Jean Humenry, Editions Desclée de Brouwer, 2010.

 

 

 

 

LIVRE/ DE LA GLACE DANS LA VODKA OU LA VIE EN CAVALE DANS UNE CABANE.

 imgres       Nouveau livre, nouvelle aventure de cet infatigable poète bourlingueur qu’est Sylvain Tesson. Cette tête brûlée a posé son rucksac sur les bords du lac Baïkal, dans une isba de bois. Une fois n’est pas coutume, cet impénitent voyageur va jouer le sédentaire de février à juillet 2010. Il vivra ainsi au rythme du crissement et autre craquement de l’eau gelée qui, telle une baleine, chante sa furieuse complainte au pas de la porte de sa maison en rondins. Il devisera lentement sur le temps qui se désagrège, ayant pris soin d’emporter avec lui un stock considérable de bouteilles de vodka et de livres…Ainsi, cet écrivain philosophe nous confie : le passionnant spectacle de ce qui se passe par la fenêtre. Comment peut-on conserver une télé chez soi ? Et une autre question que se pose l’ermite : Comment peut-on se supporter soi-même ?

Il vivra, au fil des mois, de ce drôle de compagnonnage avec des personnages rudes sortis de la taïga et de l’ombre menaçante des ours qui constituent les figures tutélaires des lieux. En Robinson Crusoë, Sylvain prendra le temps de se mettre à la marge pour cogiter et même analyser l’étymologie de son patronyme (en bris de verre) : Tesson, le fragment de quelque chose qui fut. Il conserve dans sa forme le souvenir de la bouteille…Il prendra ainsi le temps d’observer les mésanges, la Bouriatie voisine et ses levers et couchers de soleil, et se demandera Comment peut-on préférer mettre les oiseaux dans la mire d’un fusil plutôt que dans le verre d’une jumelle ?

Il recevra, comme un coup de semonce, un message d’adieu de sa compagne…Les femmes n’aiment pas trop ceux qui quittent leur port d’attache. Et comme un bon héritier de Raspoutine, il noiera ce billet (pas trop doux) dans la vodka…

                                                                                                                      Laurent BAYART

* Dans les forêts de Sibérie, de Sylvain Tesson, Gallimard, 2011 et Folio.

BILLET D’HUMEUR / ACTE 25 / UN BESOIN DE POESIE

 

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Nous avons tous un besoin de poésie en nous. En ces temps perturbés où des urubus menaçants ne cessent de vriller nos espérances et de planer au-dessus de nos têtes, l’absence de sens et le vide qui aspirent les êtres humains nous empêchent de rêver et de nous élever. Le monde est devenu absence. Chacun vaque à ses occupations, course le temps et envoie nerveusement textos et mails. L’homme a perdu la tête sans pour autant avoir été décapité. Aujourd’hui le temps file et glisse mais ne passe plus. Lui aussi, a contracté la pathologie de la bougeotte. On a jeté la clepsydre pour la chorée d’un chronomètre. On veut l’excellence et la performance mais on oublie tout simplement d’aimer, et de prendre le temps … Qu’est-il devenu cet être humain qui abandonne son enfant dans la voiture, en pleine canicule ? A ne plus se rendre compte de la détresse qu’il côtoie dans la rue ? A ne plus saluer celui qui lui tend la main ? A ne plus embrasser ceux qui l’aiment ? Comment en être arrivé là. Si bas ?

Comme si tout basculait dans le néant, comme si les coupeurs de gorge étaient devenus des prophètes, comme si la barbarie ressortait d’un ADN perturbé. Nous sommes des oiseaux blessés. L’homme a perdu tout ce qui faisait l’enchantement du monde. Qui pour admirer la beauté des étoiles et des astres ? Qui pour observer le vol d’un papillon ? Qui pour s’émerveiller devant une libellule, un chat ou le frissonnement du vent dans les feuilles d’un arbre ? Nous allons désormais trop vite. Pour aller où ? Nous avons oublié le chemin, l’itinéraire et la destination.

Chaque pas pourrait nous emporter vers notre Compostelle. Avec au bout une cathédrale comme un fleuve de lettres. Tabernacle de poésie qui brille dans nos nuits. Les mots sont des lumières qui offrent à nos âmes des fragrances de bonheur. Choisissons la rose plutôt que les effluves de cendre !

Nous avons infiniment besoin de poésie. Et chacun la porte en soi, comme une lettre que l’on a omis d’affranchir. Un seul timbre suffirait pour la faire enfin voyager…Dans le fond, c’est tout ce qu’elle demande.

                                                                                                                      Laurent BAYART

LES INOXYDABLES PAROLES (prophétiques) DU NAVIGATEUR BERNARD MOITESSIER.


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 Son nom ne dit probablement plus rien au « grand public » (qu’a-t-il de si grand d’ailleurs ?), mais Bernard Moitessier (1925-1994) demeure un modèle pour les marins contemporains, connu aussi pour ses combats écologiques et sa philosophie altruiste. J’ai grappillé dans un ouvrage paru en 1986* quelques réflexions, finalement indémodables et prophétiques, sur notre société occidentale. Récit d’un tour du monde en solitaire réalisé en 1968/1969, il rédige le journal de cette incroyable aventure dont les réflexions restent d’une lancinante modernité : Je n’en peux plus des faux dieux de l’Occident toujours à l’affût comme des araignées, qui nous mangent le foie, nous sucent la moelle. Et je porte plainte contre le Monde Moderne, c’est lui, le Monstre. Il détruit notre terre, il piétine l’âme des hommes. Et plus loin :…le Monstre a pris le relais de l’homme, c’est lui qui rêve à notre place…Que dirait-il aujourd’hui à l’heure de l’immonde barbarie et de ce grand « lissage » planétaire où chacun s’efface dans le grand brouhaha du multimédia (immédiat) ? J’aime sa manière – tendre et poétique -d’appréhender cette terre qui nous échappe aujourd’hui et que nous ne comprenons plus : Comment leur dire que les bruits de l’eau et les bruits du silence et les bulles d’écume sur la mer, c’est comme les bruits de la pierre et du vent, ça m’a aidé à chercher ma route…/…Le leur dire sans qu’ils aient peur, sans qu’ils me croient devenu fou.

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Et puis, ces mots magiques rédigés près de ce mythique et impressionnant passage qu’est le Cap Horn : D’habitude la nuit n’est pas du noir pour moi. J’ai toujours aimé la nuit, il y a des tas de choses dedans qui parlent, qui chantent ou qui racontent. Mais là, j’avais eu peur. Une peur sourde qu’on ne peut définir et qui venait de ce que la nuit ne parlait plus…Métaphore de notre société contemporaine où la nuit devient muette et où l’on ne sent plus l’ombre menaçante de l’iceberg se diriger vers nous…

                                                                                                                Laurent BAYART

* La longue route, récit, de Bernard Moitessier (Arthaud, 1986, 2005).

DESPORTS / LA REVUE A DEGUSTER AVEC UN MARQUE-PAGE.

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En jaune sur la couverture et à pois rouge en pages de garde, le numéro 6 de la très belle revue – habillée en format livre – Desports s’affiche résolument estivale ou plutôt Tour de France et Cyclisme. Actu oblige. Ce livre qui rassemble les meilleures plumes de la littérature sportive se savoure comme un très bon vieux vin, mûri en fût ou plutôt en bidon vintage…Bernard Chambaz, Benoît Heimermann, Paul Fournel, Eric Fottorino ou Jean-Louis Le Touzet forment une équipe de cadors à la pointe de stylo remarquable.

Outre, les inévitables pages consacrées à la Grande Boucle, on trouvera des articles passionnants, notamment sur le cyclisme au Rwanda. Sport qui est devenu une manière de refaire une certaine forme d’unité nationale après les massacres du génocide. C’est l’ancien pro Jonathan Boyer qui a été l’instigateur du fameux tour éponyme. Ce même coureur, condamné par la justice américaine, qui retrouve la paix de l’âme en mettant son expérience au service des ténors du pédalier locaux. A suivre aussi le journal de voyage de la Courneuve, où l’on accompagnera l’équipe le Flash, club de football américain qui rassemble une multitude de nationalités disparates pour une passion commune. On restera pantois devant La farce hongroise à Cany-Barville. L’histoire vraie et hallucinante arrivée en été 1954 à un dirigeant lillois qui, croyant recruter un international magyar (en l’occurrence Zacharias), eut affaire à un individu voulant créer le buzz, comme on dirait aujourd’hui. Un match de démonstration troua les filets du grotesque et hilarant subterfuge : Il a insisté pour tirer un corner à ma place. Seulement, il a raté la balle et a frappé du pied le poteau de corner…Risée des dirigeants d’un des plus grands clubs de foot de l’époque et une expression qui restera pour la postérité, lorsqu’on commande une pression dans le Nord : Gaston, une Zacharias bien fraiche ! A signaler aussi, l’article remarquable sur Le Laos : patrie de pétanque. Loin du pastis, des accents à la Pagnol et du thym, le pays des éléphants est aussi celui de la pétanque…Un surprenant héritage colonial !

Et puis, pour finir, on reviendra sur le cyclisme et ces éternelles suspicions face au dopage et à Lance Armstrong, spectre en cuissard qui hante encore le Tour de France. Le texte de Julian Barnes résume bien ce besoin de magie et d’enchantement que ressentent tous les spectateurs agglutinés au bord des routes : Ce dont nous avons besoin et ce que nous voulons c’est simplement ceci : savoir que penser au juste de ce que nous avons vu.

                                                                                                                      Laurent BAYART

* Desports 6, 25 bld Romain Rolland,75014 Paris.

CHANSONS/ LES AIRS MAGIQUES DE JEAN HUMENRY OU LES P’TITS BONHEURS D’ANTAN.

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C’était un peu mon idole, dans les années soixante-quinze, quatre-vingt, le chansonnier, auteur compositeur Jean-Humenry et son groupe de « L’équipage ». Epoque bénie (oui..oui…) où les chansons vous faisaient palpiter de bonheur et nous rendaient toujours optimistes. Dans celles-ci on évoquait le temps des moissons, les vendanges, la fratrie des amitiés, le bonheur de l’instant et la joie de vivre ! (Bon sang, on en est bien loin aujourd’hui !) Epoque du groupe Crëche avec Jo Akepsimas, Mannick, Gaëtan de Courrèges et Bernard Haillant (que sont-ils donc tous devenus ?).

J’écoutais ainsi ces chansons en boucle, respirant la terre et cette envie de rencontres, l’harmonie mélodieuse des refrains et ces airs un peu rock n’roll et électrisés. J’avais vu, sur une page locale, que mon chanteur fétiche (né en 1946 à Tarbes), s’était produit en concert du côté de Haguenau (Bas-Rhin). Qu’il avait été victime en 2004 d’un accident vasculaire cérébral qui le laissa, pour un certain temps, hémiplégique. Cassure et brisure des destins, il reprit ensuite sa route buissonnière de chansons mais aussi d’écriture (il a publié plusieurs livres) comme un viatique, un remède face aux crocs en jambe de la vie.imgres-1

Je lui avais écrit un petit mot sur son site, mais sans avoir jamais eu de réponse…puis un matin, je vois sur ma page facebook (mon fils m’a convaincu d’en ouvrir une !) qu’il me faisait un petit coucou…

Le soir même, avec mon épouse, nous allâmes au théâtre. Là, ce fut pathétique pour moi, car j’étais dans l’impossibilité de me concentrer et d’entrer dans le jeu des comédiens. En effet, par magie les chansons de Jean n’arrêtaient plus de pousser leur joyeuse rengaine dans ma tête : Je vous inventerai le temps d’aimer, Ca sent si bon la terre, ma terre, Dame du Rocher…

Dans la voiture, nous ramenant à la maison, mon épouse me demanda : –Comment t’as trouvé la pièce ? Super le concert de Jean Humenry ! Lui répondis-je… Parfois, il est difficile d’expliquer ce que l’on aime et qu’on porte en soi depuis si longtemps…

                                                                                                                      Laurent BAYART

BILLET D’HUMEUR / ACTE 24 / UN DECRET ET…LES OREILLETTES DE SOURD DU TOUR DE France.

 

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Est-ce l’approche du départ imminent du millésime 2015 du Tour de France qui va s’élancer samedi prochain ? En tout cas, voilà enfin une mesure pertinente et tant attendue : je parle de supprimer les oreillettes aux cyclistes mais aussi aux conducteurs…En effet, on sait qu’aujourd’hui ces bouchons qui parlent (ou chantent) dans les oreilles diminuent de 30% les informations enregistrées dans le cerveau et allongent le temps de réaction, rendant aléatoire la maîtrise des dépassements et des trajectoires. Voici donc que, le 1er juillet, le décret venant réglementer l’utilisation des kits mains-libres a été publié au Journal Officiel. Ainsi, interdit-il à « tous les conducteurs de porter à l’oreille tout dispositif susceptible d’émettre du son ». Super ! Peut-être ne croiserai-je plus (on peut rêver !) des zombis sur la piste cyclable qui me foncent dessus, les oreilles sur le guidon, chantant à tue-tête et ne voyant pas leur collègue cycliste venir en face ? Peut-être m’entendra-t-on, lorsqu’en dépassant un joggeur ou un bicycliste lorsque, je l’avertirai de ma présence (qu’il n’entend pas) ou lui dirai simplement « bonjour ! », ne récoltant souvent qu’un discourtois silence ? Car si la piste reste résolument casse-gueule, les mêmes énergumènes sur une route avec des automobiles qui ont la tête dans les oreilles, ça risque de faire d’autres dégâts…

Ah, j’oubliais (j’écoutais de la musique…), je vous parlais de la Grande Boucle qui va bientôt prendre le départ et m’aperçois, finalement que le décret en question ne s’applique pas aux « forçats de la route » qui garderont dans les oreilles les consignes de leur directeur-sportif…Course tronquée, stéréotypée, sans imagination et fantaisie. Les commentaires n’ont jamais manqué sur ce sujet. C’est un peu comme la vidéo pour les arbitres de foot…Les oreillettes vont continuer à hanter cette épreuve cycliste mythique. Lorsque j’ai lu l’article annonçant la fin des oreillettes, naïf j’ai cru que l’on parlait du Tour de France !

Basta ! Au temps pour moi. Où avais-je la tête ? Sinon les oreilles ?

Laurent BAYART

LIVRE/ SYLVAIN TESSON OU L’ART DE LA BOURLINGUE ERIGE COMME UNE RELIGION DE NOMADE.

Insatiable Sylvain Tesson qui ne cesse d’arpenter les terres d’Eurasie et plus particulièrement des anciennes républiques soviétiques dont il est friand. Cet écrivain-bourlingueur possède déjà une impressionnante bibliographie. Depuis quelque temps, il s’essaie – avec succès – à l’art de la nouvelle qui demande une certaine dextérité littéraire. Ainsi, a t-il obtenu en 2009 le Goncourt de la nouvelle avec son livre emblématique qui le résume bien : Une vie à coucher dehors.

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Paru l’an dernier, cet ouvrage joliment intitulé S’abandonner à vivre  s’articule autour d’une vingtaine de nouvelles qui nous emmènent sur les terres d’Asie et d’extrême Europe. On se régale car – sans conteste – Sylvain manie la langue avec justesse et la nouvelle avec un art consommé de la chute (il en a d’ailleurs fait plusieurs lors de ses « crapahutes » au gré des gouttières de Paris (lire La gouttière)).

Cet infatigable bourlingueur, disciple d’Ella Maillart, avoue un amour immodéré pour la Sainte Russie qu’il décrit avec justesse : Poutine avait remis la Russie sur les rails en orchestrant le pompage des gisements dans les confins de la Fédération. Depuis les années 2000, la Sibérie s’était hérissée de stations de forage. Les oléoducs avaient rampé sur les toundras….Il affectionne particulièrement les rites de cette orthodoxie encore bien vivace en ces terres de tous les contrastes, loin de l’Occident donneur de leçon : Le jogging était la névrose d’une société qui n’avançait plus ou L’Europe de Schengen est peuplée de hamsters affairés qui, dans leur cage de plastique tournant sur elle-même, ont oublié les vertus de l’acceptation du sort.

J’ai apprécié cette vision lucide du monde et cette manière de trinquer avec les éléments : Parfois, je levais mon verre et essayais d’aligner le niveau du liquide avec l’horizon. La vodka ou la bière Baltika sont les sismographes des humanités de l’Est.

                                                                                                                     Laurent BAYART

* S’abandonner à vivre, Gallimard, 2014.

LIVRE / L’INCROYABLE POUVOIR DE LA BICYCLETTE.

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Olivier Razemon, journaliste et spécialiste incontesté de la mobilité urbaine, publie un livre passionnant, « plaidoyer pour une transition cyclable », qui s’intitule Le pouvoir de la pédale. Ce journaliste est référencé comme le meilleur expert français sur le sujet de la mobilité. Il participe fréquemment à des colloques internationaux sur ce thème.

Outre l’inévitable partie historique, cet ouvrage est truffé de références et d’études menées sur la pratique des déplacements en bicyclette. Ainsi apprend-on que les peuples du nord de l’Europe pédalent d’avantage que les autres pays, plus au sud, et cela depuis les années 70. Le premier choc pétrolier a fait de la Hollande et, plus particulièrement d’Amsterdam, une capitale de la chambre à air ! Même si le Danemark et Copenhague tiennent le haut du pavé, suivis par la…Hongrie ! Comme quoi…Mais le vélo reste, en France, assimilé à une activité de loisirs, « une distraction » et n’est pas considéré comme un moyen de déplacement. Les édiles lui mettant fréquemment des…bâtons dans les roues ! Dans la rubrique des anecdotes, le journaliste nous révèle que le maire de Cagnes-sur-mer a prescrit une limitation de vitesse ubuesque à 10 km/ heure sur la piste cyclable communale…Quant à René Dumont, candidat écologique à la présidentielle, il fit un tort énorme à la petite reine en venant présenter son programme électoral à bicyclette sur les (grands) plateaux des…chaines publiques en 1974 ! Comme quoi, encore une fois…

Ce livre passionnera les mordus de déplacements en vélo car il est bourré d’informations et d’outils pour mettre en avant ce fabuleux moyen de transport. Celui-ci s’avère être écologique, économique, excellent pour la santé et profitable pour les retrouvailles humaines. Et en ces temps de marasme, c’est du pain béni ! Et puis, Olivier Razemon balaie de la main les sempiternels arguments des commerçants qui raillent la mise à l’écart des automobiles dans les centres-villes. Loin des idées reçues, les adeptes des quatre roues se révèlent être de moins bons acheteurs que les bicyclistes. Histoire de faire sauter un argument qui –visiblement – ne tient plus…la route ! Dont acte.

                                                                                                                      Laurent BAYART

* Le pouvoir de la pédale, comment le vélo transforme nos sociétés cabossées d’Olivier Razmon, éditions Rue de l’échiquier, 2014.