Archives de catégorie : Blog-Notes

LIVRE/ L’OURAL DE RATTRAPAGE…

            L’amour de l’Oural et un coup de foudre pour un rockeur russe, (Micha) résidant dans une improbable ville (ancienne fabrique à tanks de l’URSS) du nom de Tcheliabinsk, entrainent Astrid Wendlandt dans les contrées reculées de la Sibérie, où l’Europe et l’Asie se frottent les côtes…Cette femme – qui n’a pas froid aux yeux – s’en va seule sur ces routes sauvages, entre taïga et lampées de vodka. Avec ses amis musiciens et les rencontres de passage, elle refait souvent le monde en voyant un peu trouble et double…

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Immense tendresse et passion pour la Russie, terre de mysticisme et de chamanisme, qui la fait chavirer dans la quête des ancestrales peuplades, dépositaires de croyances qui enchantent encore leurs existences, loin du matérialisme vide d’un occident sans idéaux. Elle résume parfaitement le choc émotionnel (et amoureux) qui s’est dégagé de ses escapades sibériennes : J’ai acquis un robuste instinct de survie, une mansuétude pour les déséquilibrés, un abandon à l’imprévu et une certaine placidité face à l’adversité. Cette sensuelle baroudeuse force le respect en s’engageant dans des contrées, où hommes et éléments vivent dans l’harmonie précaire des paysages abrupts.

On côtoie ainsi des tas de personnages rudes et singuliers qui racontent mieux leur pays que ne leur feraient les guides touristiques et autres tours opérateurs. On fait la connaissance des Nénets, tribu qui élève les rennes, se déplace en vezdekhod (blindés à chenille) qui permettent de traverser les zones humides, et jouxte l’irrationnel dans l’Arkaïm et le Taganaï. Astrid Wendlandt nous brosse ainsi une galerie de portraits, surprenants et attachants. Et puis, l’étrange prédiction annoncée se réalise : elle tombe amoureuse et enceinte de Dima, ramenant ainsi un condensé de l’Oural dans son ventre…

                                                                                                                      Laurent BAYART

* L’Oural en plein cœur – Des steppes de la Taïga sibérienne – d’Astrid Wendlandt, éditions Albin Michel, 2014.

BILLET D’HUMEUR / ACTE 16 / LE RETOUR DE LA BARBARIE

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       On croyait à des temps nouveaux, des images apaisées, des sourires retrouvés, puis le spectacle du monde a tourné au vinaigre. Les murs et les palissades, les châteaux de cartes et les belles utopies d’alors se sont soudainement écroulés. On croyait les temps de l’obscurantisme révolus, passés aux oubliettes de l’histoire. Le XXème siècle et ses immondes génocides enfin terminés. Un homme nouveau enfin debout ? Le rêve d’un meilleur pour chacun à portée de mains ? Et puis, de nouvelles hordes barbares, portant des fanions et oriflammes noirs, sont venus ravager ce qui restait de nos idéaux. Des têtes coupées, des femmes violentées, des destins laminés…tout cela au nom d’une nouvelle barbarie. Ces pirates modernes ont mis des têtes de mort sur leurs drapeaux et ont semé derrière eux des charniers de cimetières improvisés. Un peu comme jadis, Attila, le prince noir des steppes, voulait que l’herbe ne repousse jamais sur son passage…

Qu’ont-ils fait de nos rêves de liberté, d’amour et de fraternité ? Souiller les tabernacles et mettre des échafauds sur les pistes de danse et les mâts de cocagne. Que reste-t-il de ce que nous pensions être le meilleur de l’être humain ? Une immonde bête qui massacre/ fracasse –femmes et enfants – pour satisfaire les pulsions de son insatiable plaisir ?

Vite, retrouver les chemins de l’humanité avant que tout ne glisse – à nouveau – dans l’horreur. L’histoire n’est donc toujours qu’un éternel recommencement ? Non, ce n’est pas possible. Il doit bien y avoir un soleil quelque part derrière la violence de l’orage et un printemps sous les éphémères débris de l’hiver.

                                                                                                                  Laurent BAYART

* photo de Némorin (Erik Vacquier)

LIVRE / L’ESPRIT DES LOINTAINS OU L’HUMOUR DECALE D’UN VOYAGEUR OBSERVATEUR

        Aucun voyage ne se ressemble. Chacun perçoit son déplacement à l’aune de sa propre sensibilité et affect. Autre bourlingueur singulier, Claude Carré, auteur de fictions radiophoniques et scénariste de bande dessinée, nous raconte – sous forme de chroniques décalées et déjantées – ses pérégrinations en Thaïlande et en Afrique.

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Tombé par hasard sur son opus « L’Esprit des lointains », je me suis littéralement régalé à la lecture de ces textes rédigés comme des brèves de comptoir, qui racontent avec humour, ironie et un sens rare de l’observation, ses déambulations asiatiques et africaines. Cet anti-héros (lui aussi adepte de l’incontournable « Usage du monde » de Nicolas Bouvier) égaie le lecteur des zones d’ombre et des détails croustillants, face cachée d’un décor de palmeraies et de pagodes.

Périple hasardeux où notre touriste se chope une belle…tourista mais aussi un conséquent problème de santé. Pas évident de s’éloigner du magnétisme de son paillasson ! Description de Bangkok où il déguste un Pad Thaï (escalier de saveurs), de sa pollution, de sa fièvre et des hôtels locaux : J’entends militer désormais pour la création d’un mouvement de libération international qui viserait à éliminer les téléviseurs de toutes les chambres d’hôtel…et plus loin, il renchérit sur le pandémonium de l’électroménager : C’est pas marrant de dormir dans la chambre d’un frigo. Monde du bruit où les supérettes –ouvertes jour et nuit – sont dotées de carillon qui ding dong à chaque passage…Quant aux envies nocturnes pressantes, mieux vaut allumer la lumière, car on risquerait d’écraser la queue d’un varan délogé de son squat…

Et pour conclure, notre courageux et sarcastique explorateur vous offre un ultime conseil, afin d’aborder la Thaïlande dans les meilleures ( ou les moins pires !) conditions : On parle de cuisine thaïe, mais ne jamais oublier ces condiments prérequis pour les nuits d’Asie : somnifères et boules Quies. A bon entendeur salut !

                                                                                                                      Laurent BAYART

 * L’esprit des lointains de Claude Carré, éditions livres du monde, 2014.

IMPRESSIONS SOUFFEL EN SALON / QUEL VOYAGE !

IMG_8012Belle réussite que cette quatrième édition du Salon Livre de Souffelweyersheim –dont le thème était le voyage  – qui a eu lieu le week-end dernier. Près d’une cinquantaine d’auteurs ont répondu présent à l’appel de son organisatrice, passionnée de lettres et professeur de français, Patricia Chabas. Je ne suis pas un poète de salon, mais j’avoue avoir eu un grand plaisir à participer à ces deux journées, du reste bien remplies. Le public – malgré les nombreuses sollicitations de « l’avant fête » – est venu relativement nombreux.

Outre présenter ses livres et les vendre, les rencontres et retrouvailles que ce salon a suscitées furent des moments conviviaux et chaleureux. Connivences avec des confrères artistes ou écrivains, convergences de points de vue, connexions amicales et complices….Ainsi, ce fut gratifiant et bien « plaisant » (comme disent nos amis québécois) de converser, deviser et parfois s’insurger avec des personnes qui partagent les mêmes émotions et vibrations que vous. Dans ce registre, j’ai particulièrement apprécié Suzanne Braun, auteur historienne d’Art, chaleureuse aficionado des chats, Jacques Hampé, photographe et cinéaste, à la gouaille et l’humour attachants,   Frédéric Witté, sympathique voisin, auteur d’un récit poignant, John Boring et son épouse, romancier et scientifique aux propos toujours intéressants, Max Philippe Morel, vieille connaissance du temps de l’Encrier ( retour en arrière d’au moins vingt-cinq ans, sinon plus…), auteur de science-fiction et fantastique, en provenance de la Bahia et des terres brésiliennes, Philippe Lutz, svelte romancier, randonneur sur lequel le temps n’a pas de prise…Sympa aussi l’échange avec cet éditeur de Hoenheim, Armand Caspar, que je ne connaissais pas…

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Voyage donc avec la découverte de l’autre et vers cette chaleur de la rencontre. Les Salons servent aussi à cela. Loin parfois, des spartiates de la dédicace, des stressés du paraphe et du tiroir-caisse, de ces  bourlingueurs, finalement plus à l’aise probablement avec les peuplades sauvages qu’avec leurs contemporains occidentaux….de ceux aussi qui vous parlent et –soudain – vous abandonnent en plein milieu d’une phrase, à l’approche d’un touriste de salon (potentiel acheteur) en lui collant un livre dans la main…

Moi, j’aime les voyages où l’on cesse un instant la longue course vers l’avant pour prendre le temps de serrer la main de l’autre. Tampon sur un passeport des fraternités retrouvées. En cela, Souffelweyersheim fut une belle destination et un rendez-vous où les douaniers avaient tous un sourire à vous laisser passer au-delà des méridiens.

                                                                                                                      Laurent BAYART

MICHEL MARTINE OU LE THEATRE COMME ETERNELLE JEUNESSE

      Béarnais d’origine, Michel Martine est devenu Strasbourgeois de cœur et d’âme. Dramaturge, metteur en scène, féru d’astrologie, plasticien, écrivain,  il est curieux de tout, dans la lignée des grands érudits et humanistes des siècles passés. C’est un homme prolixe et pluridisciplinaire – la silhouette élancée – svelte jeune homme à l’âge déjà bien avancé (mais il court trop vite, les années n’ont pas de prise sur lui !) qui continue à arpenter les planches théâtrales avec sa troupe Le Théâtre Populaire de la Petite France, existant depuis plus de 40 ans dans le paysage culturel alsacien. Rarissime ! Cette longévité du créateur et de son enfant (sa compagnie) est une marque de sérieux, d’un enthousiasme toujours débordant et d’un profond respect du public. Du reste, les salles sont souvent pleines et l’assistance composée de jeune public. La troupe anime des ateliers d’art dramatique et présente de nombreuses créations au fil des saisons. Patrice Lobel, comédien et metteur en scène, poursuit l’œuvre féconde du fondateur avec la même passion et talent. L’an dernier, la troupe a présenté « Christophe Colomb » de Michel Ghelderode et, en 2012, « Athalie » de Racine.

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En 2015, du 28 octobre au 5 novembre, elle proposera une adaptation décapante de « Drôle de tram » de Laurent Bayart qui s’intitulera pour l’occasion « Un tramway nommé délire ». Décidément pas le temps de s’ennuyer, entre les stations, avec un gaillard comme Michel Martine !

                                                                                                                      Laurent BAYART

LIVRE / A VELO, VITE ! OU VIVE LA CRISE !

Il est indéniable, crise économique oblige, que le vélo deviendra un enjeu incontournable dans la politique des transports urbains et périphériques. L’ouvrage de Véronique Michaud, secrétaire générale du club des villes et territoires cyclables, le rappelle. A vélo, vite ! constitue un petit bréviaire qui a le mérite de faire un point précis dans ce domaine. L’auteur se base sur de nombreuses études et sur la politique des déplacements quotidiens dans certaines villes, et des pays déjà à la pointe dans ce domaine. Ce livre fourmille de chiffres et d’indications précieuses. Une manière d’inciter les pouvoirs publics et les collectivités à se mettre la tête dans le guidon ! D’ailleurs, l’indemnité kilométrique ne vient-elle pas d’être votée ? Une incroyable avancée…

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Bénéfique en terme de santé publique, d’économie, de réduction de la pollution, le vélo relie au territoire et s’y adapte avec souplesse../..A vélo, on est en mode lecture du territoire. Les Français effectuent 87 km par an et par habitant contre 300 dans certains pays du nord. On apprend que Copenhague est la ville phare au niveau des déplacements en vélo, avec 38% de part modale et la réalisation d’une voie express. Strasbourg est également cité en référence, avec 8% de déplacements à vélo sur l’ensemble de l’agglomération et 14 % dans le centre-ville ! On y découvrira avec intérêt qu’il existe des vélos-écoles. Ces derniers forment environ 100.000 personnes par an…et que l’on estime la demande à 750.000 ! La pratique actuelle du vélo permet de réaliser 5,6 milliards d’économie sur les dépenses de santé, mais on pourrait atteindre les 15 milliards si la part modale du vélo s’élevait de 12 à 15%. Les chiffres, s’ils donnent le vertige et le tournis (n’allez pas consulter votre toubib pour autant !), parlent néanmoins d’eux-mêmes.

Reste le bonheur de la rencontre, du temps grappillé sur le tourbillon de la vitesse, des fraternités retrouvées, du bien-être du plaisir de croiser l’autre, des moments de convivialité et de chaleur réinventés, du stress évacué…Moments qui ne seront jamais quantifiés. Désir de renouer le fil perdu des instants d’échange et de partage. Et puis, comme l’indique fort justement, Véronique Michaud, le monde du numérique et du multimédia ont un dénominateur commun avec la petite reine. En effet l’ordinateur et la bicyclette sont affublés du même surnom : la bécane ! Et même parfois, il arrive que les deux rament…

                                                                                                                      Laurent BAYART

  • A vélo, vite ! de Véronique Michaud, Editions Fyp, 2014.

 

LIVRE / L’INCROYABLE PERIPLE SUR LES ROUTES ET PISTES DU BRESIL.

        Quand on connaît l’état des routes (ou des pistes) au Brésil, on se demande si l’entreprise de Laurent Salinier-Auricoste ne s’apparente pas à une tentative de suicide. En effet, relier Cayenne en Guyane à Rio de Janeiro au Brésil en vélo, c’est-à-dire se taper 6.982 km en chambre à air, à travers une partie de l’Amazonie, représente un pari fou et risqué, surtout lorsqu’on sait que les conducteurs de trucks ou d’automobiles font peu de cas de ces allumettes – que sont les hypothétiques cyclistes – qui tournent les jambes sur une miteuse moquette de goudron.

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Ce récit de 372 pages est celui d’un bourlingueur qui raconte « ce qu’il a vu et non ce qu’il aurait voulu voir ». Laurent Salinier-Auricoste est un incroyable baroudeur qui narre ses improbables aventures fourmillant de personnages baroques et fantasques rencontrés sur sa route (ou sente en latérite). Il démystifie un Brésil –éternelle grande puissance en devenir – dont l’immensité des terres se retrouve ceinturée par d’immenses fazendas où les villes sont jonchées d’immondices, du prurit d’une circulation convulsive et bourrées de favelas où errent les silhouettes de fantômes menaçants. Il traverse ainsi le nordeste et la pauvreté endémique des « sans terre » au son de la musique et de la danse du forro, des incantations des évangélistes, des matches de foot et des conseils éclairés d’autochtones  qui lui proposent  de s’égarer  plutôt que de rester sur le bon chemin…

On notera que ce voyageur discret (pas de portrait, ni de photos sur le cahier central) possède une connaissance sociologique, historique et géographique assez surprenante de ce pays qui s’apparente à un continent. Le cycliste décrit ses escapades gastronomiques et ses rencontres dans les auberges pousadas ou dans les bouis-bouis qui foisonnent le long des routes et dans lesquels il est toujours possible de se ravitailler. Des pétarades de motocyclistes, des coups nerveux de klaxons, un tumulte d’exclamations et de plaisanteries échangées de trottoir à trottoir : me voilà bien au Brésil. Notre explorateur à pédales se révèle être un fin humaniste et observateur du monde, mais surtout un passionné de ce pays qu’il adore.

 Et cet anti héros, arrivé à Copacabana, n’a rien prévu de mieux –pour sa promotion – que de demander à un baigneur d’immortaliser l’événement par une petite photo… Un vrai de vrai qui mérite d’être pris – lui et sa bicyclette – dans les bras du Corcovado (le Christ rédempteur) !

                                                                                                                      Laurent BAYART

* Dans la poussière du Sertào – A vélo sur les routes du nordeste brésilien de Laurent Salinier-Auricoste, éditions de L’Harmattan, 2014.

LIVRE / UN VELO-HIPPOCAMPE DANS LE CIEL

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 Après plus de neuf millions de kilomètres, onze mille heures de vol, quinze mois de ma vie passée dans le ciel pour aboutir à ce constat : j’ai parcouru le monde sans le voir. Ainsi parle François Suchel, pilote de ligne à Air France qui s’est lancé un grand défi : rallier Canton (Guangzhou) à Paris en bicyclette…On peut vouloir partir, parce qu’on n’a jamais voyagé. Moi, j’ai décidé de voyager parce que je suis trop souvent parti.

Et voilà, cet écrivain-cycliste lancé dans ce projet fou de traverser l’Asie et l’Europe. « Sous les ailes de l’hippocampe » (L’hippocampe ailé est peint sur les moteurs des avions d’Air France – depuis sa création en 1933 -). On appréciera dans ce récit – mené sans temps mort – l’extrême connaissance, historique et géographique du sujet. Il fourmille de détails bien documentés. Ce baroudeur nous raconte sa longue errance et ses moments d’abattement, car son périple laisse sa femme et ses trois enfants sans père et privé d’époux pendant de longues semaines…C’est presque « J’irai dormir chez vous » sauf qu’en Chine, le bourlingueur rencontre l’indifférence des autochtones et la corruption des responsables locaux, un vaste empire en chantier dont la pollution est endémique (La plus désagréable étant sans aucun doute la cigarette !). Il frôlera la correctionnelle en étant arrêté par la police….Le cycliste préfèrera les steppes et les habitants du Kazakhstan, finalement bien plus accueillants…

Traversant la Russie, notre ami confiera –non sans humour – que ce pays est jonché de bris de verre ; de tessons de bouteille de vodka (le territoire est truffé d’alcooliques !) qui mettra à mal son foie et surtout sa chambre à air…Il rentrera de ce voyage heureux mais tout de même un zeste désabusé, désacralisant un peu le mythe de «L’usage du monde » de Nicolas Bouvier ou des chevaliers de l’aventure à tous crins…Au final, « l’hippocampe-cycliste » constatera, arrivé chez lui, qu’il est 16h05, la fin et le début d’un voyage. Le vrai commence au retour, non ?

François Suchel nous livre probablement un des meilleurs récits dans ce domaine.

                                                                                                                Laurent BAYART

 

* Sous les ailes de l’hippocampe, Canton-Paris à vélo, le défi d’un pilote de ligne de François Suchel (éditions Guérin, 2014).

 

BILLET D’HUMEUR /ACTE 15/ LA SOCIETE DU MALAISE OU DEBOUT LES MACONS !

 Nos sociétés sont en crise. On s’en aperçoit tous les jours. Les médias ne cessent de relayer les agitations et autres « petites phrases » assassines des hommes politiques, égarés dans la nasse des émissions « people ». Il faut être vu pour vendre son livre et un peu moins, pour défendre ses idées. Le long glissement vers la boue et la guimauve se poursuit inexorablement. Les invectives et injures sont déversées régulièrement. Chaque jour, une nouvelle polémique – comme un jeu macabre – enfle en baudruche de crachats sur la place publique. Même les humoristes perdent leur sens….de l’humour et en vont de leur pauvre chamaille, eux aussi ! Une mise en examen en cache une autre. Des responsables politiques se comportent comme des margoulins, faisant la leçon aux laborieux quidams pour finalement se faire prendre la main dans la cuvette…D’autres font les gros titres des journaux, déjà condamnés pour finalement être innocentés… bien plus tard. Mais cette « new » ne fait l’objet – dans la presse – que d’un maigre entrefilet. Personne ne le lit et ne s’en intéresse ! Le mal est fait. Le mensonge a pris la mesure de la parole. On ne croit plus à l’engagement politique. Et, quelques « sans culotte» ou « sans dent » livreraient bien cette racaille en cols blancs à la machine du père Guillotin ! Pour peu qu’elle existât encore…

Le cloaque inonde l’espace public. Comment croire encore en des idéaux ? En des personnes qui ne profaneront pas le temple ? En l’intégrité des gens et de leurs actions ? Comment espérer en des lendemains qui chantent ? Les indicateurs économiques en chute libre, le taux de chômage toujours en hausse. Même l’Europe est fustigée, avec ses fonctionnaires et son incapacité à fédérer les énergies. Elle ne fait plus rêver. Au-delà des frontières, la soldatesque en profite pour faire résonner leurs bruits de bottes. L’histoire est un film – en éternel recommencement- qui ne connaît jamais le générique du mot fin…Eternelle boucle de la pellicule.

Septième Art ? Les êtres humains sont devenus spectateurs de leur propre décrépitude. Devant l’écran blanc, c’est leur histoire qui est racontée. Comment reprendre « la main » sur tout ce fatras ? Comment redevenir acteurs au milieu de ces décors qui –chaque jour – s’effondrent un peu plus…

Inventer un monde nouveau et surtout meilleur, avant que les ruines ne prennent le dessus. Il sera toujours tant de reconstruire. Pour peu qu’il reste encore des maçons, il conviendra alors de les extirper des longues files d’attente et des guichets de Pôle Emploi ! La seule bâtisse restée encore debout en ces temps de crise…

                                                                                                                      Laurent BAYART

LIVRE/ L’AVENTURE SAUVAGE DE SARAH MARQUIS.

 

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          Indéniablement, la couverture m’a attiré : un marcheur (de profil) gros sac à dos tirant une « charrette » sur un fond de steppe désertique. Il s’agit de Sarah Marquis, élue aventurière 2013 Europe et nominée par le « National Géographic ». Son livre « Sauvage par nature » raconte son ahurissant périple « de Sibérie en Australie, 3 ans de marche extrême en solitaire ». Cette femme, dans la lignée de ses ainées, Ella Maillart et d’Alexandra David-Néel, est partie défier les ruades des cavaliers mongols et les trafiquants de drogue, sans compter les petites et grosses bêtes rencontrées sur sa route ou près de sa tente de fortune : serpents, buffles et parfois imposants crocodiles…mais la créature la plus dangereuse restant – sans conteste – l’être humain !

S’ils sont souvent passionnants, ce type de récits des baroudeurs du globe sont rédigés dans un langage sommaire où les notes s’emmêlent. Là nous avons affaire à une écriture déjà bien affinée et cohérente. L’originalité de cet ouvrage de 300 pages réside dans le fait qu’elle nous raconte la médaille mais aussi son revers et ce qui se trame derrière le (pudique) rideau…Ainsi, mi-amusée, mi agacée, elle se demande pourquoi certains mâles mongols s’arrêtent pour pisser juste devant elle ? Elle n’obtiendra jamais de réponse. Notre guerrière des confins de l’Asie devra fréquemment poser son bivouac à l’abri des regards et des convoitises…Sarah Marquis nous rappelle que : les déserts éloignent les gens qui ne savent pas regarder, ceux qui ont besoin de divertissement et d’agitation. Plus loin, elle rajoute : La nature laisse des traces derrière elle, il suffit de les « décoder » pour la comprendre et survivre.

Cette Suissesse d’une quarantaine d’années (la Suisse est le pays qui recense le taux le plus important d’aventuriers sur son territoire !) termine par une judicieuse définition de l’aventure : Toute entreprise où le risque est considérable et dont la réussite est douteuse ». Mais, dans le fond, la vie ne s’apparente-t-elle pas à une improbable aventure ?

                                                                                                                      Laurent BAYART

* Sauvage par nature de Sarah Marquis, Editions Michel Lafon, 2014.