Tous les articles par Laurent Bayart

BILLET D’HUMEUR / ACTE 26 / MA BELLE TOILE OU CE MATIN DANS LE JARDIN…

 

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        Ce matin, je n’ai pas pu résister. Lorsque je suis allé faire ma petite balade dans le jardin, je suis resté émerveillé devant une toile…Accrochée entre les portiques d’une ancestrale balançoire, l’artiste arachnéenne a tissé son œuvre éphémère. Ecriture magique en broderies et chemins de croix. Quelle merveilleuse alchimie, quelle géométrique beauté ! Je suis resté en admiration devant cette architecture de fils offerts à l’ivresse du vent. Tels des rets de pêcheur ou un jeu de cordes pour l’escalade dans les jardins publics, cette toile m’a subjugué. L’araignée attendait dans un coin la venue d’une mouche, moustique ou autre insecte. Alors, je me suis emparé de mon portable et, comme dans une galerie d’Art, j’ai photographié l’œuvre. Sauf que la galerie, c’était mon jardin…Je voulais féliciter l’artiste, mais je ne l’ai pas trouvée. Trop modeste probablement…elle avait juste laissé le prix (à payer) telle une gommette noire : un malheureux moucheron. Minuscule ballon fixé dans les filets de son but.

                                                                                                                  Laurent BAYART

LIVRE / CINEMA / CONFESSIONS SANS CONCESSIONS DE GERARD DEPARDIEU.

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Le titre est pour le moins simpliste : Ca s’est fait comme ça. Le récit biographique de ce – comme on dit – « monstre sacré du cinéma » qu’est Gérard Depardieu se révèle intéressant, dans la mesure où il raconte et surtout explique le personnage épique et hors norme. Une grand-mère, dame pipi à Orly, un père alcoolique (Dédé) et une jeunesse pauvre dans une ville de province : Châteauroux. Une existence qu’il prend comme un cadeau, car l’embryon a évité de justesse « les aiguilles à tricoter » qui brisent les destins démunis. La prison et des jours chahutés, puis un psychologue qui lui prédit un avenir d’artiste. A défaut de sculpture (Tu as des mains de sculpteur), il s’orientera vers des cours d’art dramatique où il explose littéralement la scène. Il apprendra, lira beaucoup et fera ses gammes en orfèvre qu’il devient très vite. On ne s’épanchera pas sur sa carrière que tout le monde connaît. Par contre, le lecteur se laissera surprendre par cet homme attachant et tendre qui dit son amour invétéré pour le vin qu’il boit et…produit également: Moi, si j’ai voulu faire du vin, c’est pour que mes enfants n’oublient pas la vie, qu’il y ait une trace…Il avoue son aversion pour la cellule familiale et reviendra sur ses échecs de père et de mari. On lira avec intérêt sa confession d’homme libre et le ressentiment qu’il nourrit envers la France et les Français : Ils ont perdu le goût de l’aventure, ils ont perdu l’ouïe, l’odorat, ils n’entendent plus la musique que porte le vent…On ne reviendra pas sur son amour de la Russie, sa culture et la littérature, la geste orthodoxe qui emporte les êtres vers le haut, loin des bas calculs arithmétiques d’un Occident matérialiste qui a brûlé son âme dans la thésaurisation boursière. La spiritualité slave l’enchante au plus haut point. La force, la beauté et la tragédie des hommes soufflent à travers toute l’œuvre de Dostoïevski. Et, confie-t-il, à Saransk où j’habite, à sept cents kilomètres de Moscou, il m’arrive de m’arrêter dans la rue ou au bord d’un champ, simplement pour écouter chanter les femmes… Force est de constater que celui qui sait encore écouter le bruissement du monde ne peut pas être le poivrot démoniaque, voire l’ignoble sauvage, que l’on a tant décrié !

                                                                                                                  Laurent BAYART

 

* Ca s’est fait comme ça, de Gérard Depardieu, XO Editions, 2014.

 

 

 

LIVRE/ GISELE CASADESUS, UNE VIE DE THEATRE.

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 Cette biographie, rédigée sous forme de récit, raconte à la première personne l’incroyable parcours de la comédienne Gisèle Casadesus, « monstre sacré » du théâtre français, né le 14 juin 1914…dans une famille d’artistes : un père compositeur altiste, une mère harpiste…En 1934, elle entre à la Comédie Française à l’âge de 20 ans. La jeune femme va côtoyer les plus grands noms de la scène : Jacques Copeau, Louis Jouvet, Pierre Fresnay, Madeleine Renaud ou Raimu. Son livre retrace une carrière impressionnante. Ainsi, en 1946, le Conservatoire s’appellera encore « Conservatoire National de musique, de danse et de déclamation » avec un ténor en la matière : la classe de Georges Le Roy.

Cette comédienne centenaire nous distille de croustillantes anecdotes sur une vie passée sur les planches, non sans nous remémorer une date fétiche pour les dramaturges : l’anniversaire de Molière, tous les 15 janvier. Elle nous racontera ses innombrables tournées dans le monde, et notamment en Amérique du Sud et au Brésil. Les réceptions au Ministère des Affaires Françaises. Ah…le temps où la culture française illuminait encore le monde…Beaucoup d’humour aussi avec ces réflexions de spectateurs mécontents (et un peu naïfs, voire ignares) : C’est exact que vous ne jouez pas ce soir ? Demandent-ils à la location ? – Mais si pourquoi ? – Comment ? Nous avons vu dans le journal que la guerre de Troie n’aura pas lieu ! Ou la réflexion de ce monsieur : Mais dites-moi, qu’est-ce que c’est au juste, « le guilledou » ? – Monsieur, ai-je répondu en me retenant de rire, si vous ne savez pas ce que signifie courir le guilledou, votre femme doit être bien heureuse…

Cette femme, au nom d’empereur romain, traversera toutes les métamorphoses du théâtre, via la télévision et le cinéma où l’on joue pour un spectateur fictif…Elle ne connaîtra ni l’ennui, ni la retraite et affirme, à ceux qui vont au théâtre pour s’assoupir : le sommeil aussi est une opinion ». Seul regret, car il en faut aussi dans une existence bien remplie, celui de n’avoir jamais interprété Shakespeare, Claudel ou Tchekhov…

                                                                                                                      Laurent BAYART

* Gisèle Casadesus, le jeu de l’amour et du théâtre, Editions Philippe Rey, 2014.

J’AI REVE D’UN VRAI TOUR DE France / RETOUR ET REFLEXIONS EN VRAC SUR CE TOUR NIQUé…2015

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Bon, on nous a vendu l’édition du Tour de France 2015 comme une édition palpitante…Hum…Vous avez dit suspense ? Bon, mis à part la petite frayeur dans l’avant-dernière étape et le numéro de Quintana (et dans le même temps, le magnifique exploit de notre Pinot national), on ne peut pas dire que tout cela fut passionnant ! Le ciel (ou plutôt le sky) étant froomey ! Même si les 16 journées (sur 21) en jaune ne furent pas toujours de tout repos pour lui (à part les journées éponymes)…

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Durant ce Tour, si on a perdu le soldat Cavendish (qui n’avait plus trop la « banane »), on a trouvé le fougueux uhlan André Greipel qui a (sur)plombé les sprints. Les premiers coups de pédale furent placés sous la banderole de la « Grande Quinzaine de la Gamelle ». En veux-tu-en voilà. Le colombien Nairo Quintana fut impressionnant, passant du coke à l’âne. Notre condottière Alberto Contadore (qu’on t’adore) ne fit pas ses longues tirades habituelles en danseuse sur son vélo. Il était cuit-cuit après le Giro…Même si Vicenzo Nibali avait sous sa botte toute l’Italie, il a dû lui aussi abdiquer…Quant à nos vaillants français, ils furent héroïques et malchanceux. Trente ans après le blaireau Bernard Hinault, nous n’avons pas encore trouvé son successeur…Et quand on voit les calibres auxquels on a affaire, il faudra encore un peu patienter… Sauf à n’admettre que des coureurs français pour le prochain Tour de France. Et pourquoi pas ? La préférence nationale, ben alors ! Finalement, heureusement qu’il y avait le fantasque slovène Peter Sagan, le poète et aquarelliste d’un Tour où ne roulent plus que des calculateurs à oreillettes. Lui, n’en a fait qu’à sa tête ! Ah, les filles des podiums l’aiment bien celui-là… Fantaisiste et fantasque comme le fut peut-être l’Alsacien Roger Hassenforder. Il a donné le sourire aux crocs-niqueurs de la Grande Boucle. Car celui qui a gagné le paletot jaune fut constamment conspué, aspergé d’urine et de bière (cette dernière se transformant en ce liquide dans la vessie qu’on a souvent pris pour des lanternes…) Dopage du matériel aussi. Ah celle-là, depuis Cancellera, on ne l’avait plus entendu ! Bref, ambiance de suspicion et de doute aux abords des podiums…Le fantôme d’Armstrong plane encore sur la plus belle course cycliste du monde. Et puis, en spectateur lambda ou Skoda que je suis, j’aimerais –svp les organisateurs – que l’on concocte un véritable Tour de France, à l’image du « chemin de ronde » de l’époque. Et non plus, ce manège, un Tour niqué, tronqué, découpé, réduit à une moitié de l’hexagone. Et puis, un départ en France, pourquoi pas ? Une vraie compétition qui ceinturerait tout le pays ! On peut bien rêver, non ? Sans se prendre un jet de pisse dans la tronche !

Allez, je la (Grande) Boucle pendant un an ! A l’année prochaine !

                                                                                                                      Laurent BAYART

* photos originales de  Némorin (Erik Vacquier)

LIVRE/ LE RECIT POIGNANT DE JEAN HUMENRY QUI FAIT CHANTER LES EPREUVES ET DECHANTER L’ADVERSITE.

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J’ai écrit, dans mon dernier livre A pleins poumons, « on ne guérit jamais de sa jeunesse », le récit de Jean Humenry, Je n’ai jamais voulu faire pleurer les anges, me donne raison. Mon chanteur fétiche des années soixante-dix (voir article plus bas : Les airs magiques de Jean Humenry où les p’tits bonheurs d’antan) raconte le chemin escarpé, voire étranglé, qu’il a emprunté pour en être arrivé là. Et quel chemin ! Cet auteur-compositeur et poète qui chante l’ivresse des moissons et le temps des fratries retrouvées a longtemps (plus de cinquante ans) vécu avec le poids d’un terrible secret « enseveli sous une chape de béton, un sarcophage…

C’est à l’occasion d’un accident vasculaire cérébral arrivé en 2004 que les écluses du destin libèrent le flot d’un passé désormais trop lourd. Cette immense épreuve agira pour lui comme un révélateur, une rédemption…Les mots de la peur, et cette « boule dans le ventre » qu’il trimbale avec lui, l’affranchiront de la barbarie des adultes exercée sur l’innocence (les violences pédophiles). Ce très beau et poignant ouvrage raconte aussi cette fuite en avant, cette boulimie de vivre, de créer, de rencontrer et de chanter qui le fait, sans cesse, marcher sur le fil tendu de son destin. Avec pudeur, tendresse et aussi la distance de l’ironie, il raconte cette insouciante jeunesse qui le fait soulever des montagnes : La conviction, la force, l’utopie sont fascinantes… » Un peu à la manière de L’homme pressé de Paul Morand, il engloutit les kilomètres, les projets et les concerts, comme pour ne pas être rattrapé par les flammes qui courent à ses trousses. Jean Humenry traversera d’autres épreuves et accidents très graves, mais apparemment, le poète a de fidèles et solides anges gardiens !

Quel beau livre et témoignage, sans jamais connaître le fiel d’aucune amertume, mais avec un amour infini des autres et de l’existence, qui fait que l’homme se relève toujours des KO infligés par la vie…Et le chanteur de la Buttte Montmartre de nous avouer : C’est une espérance/ qui vient dans le froid d’un soir/ C’est une espérance/ Jaillie du brouillard/ c’est une espérance/ Qui bondit de cœur en cœur/ C’est une espérance/ qui efface nos peurs.

Et si l’Amour avait finalement raison de tout ? Il est venu le temps d’aimer ! (Pour paraphraser le titre d’un disque de Jean Humenry). Et en ces temps tourmentés, ce genre de message constitue une bonne bouffée d’oxygène. Et parfois, ça suffit pour éloigner les nuages ventrus et menaçants…Il faut simplement y croire.

                                                                                                                      Laurent BAYART

* Je n’ai jamais voulu faire pleurer les anges, récit, de Jean Humenry, Editions Desclée de Brouwer, 2010.

 

 

 

 

JOURNAL CYCLISTE/ LAQUELLE PRENDRE ? ET CHAQUE ABSENCE SE REMARQUE…

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Vu l’autre jour à l’entrée de Pfulgrisheim, un joli vélo en carton offert par Banette, au-dessus de l’hirondelle qui parle alsacien et de celui « nature » qui prône le « zéro pesticide » ! Y’a de quoi lire, et de la littérature, lorsqu’on roule en vélo ! Arrêt momentané sur cette belle route du Kochersberg, puis en repartant, ne pas se tromper de monture…Celle en carbone ou celle en carton ? J’ai laissé finalement en plan celle des boulangers…Tant pis pour le croissant à la mie dorée ! Les cyclistes sont (ont) de bonne pâte (pattes) !

Et puis, une petite pensée en ce jour du mois de juillet pour cette vététiste qui vient de Vendenheim et que j’accompagnais souvent jusqu’au pont Vauban à Strasbourg. Elle se rendait à Kehl pour aller travailler. Mais elle m’avait confié, il y a un certain temps, son licenciement prévu pour le mois de juillet. Hier, j’ai eu une petite pensée pour elle. La piste cyclable est une grande famille, et chaque absence compte et se remarque…Bonne chance à elle. Puisse-t-elle ré-arpenter –très vite !- la piste pour un autre job !

LIVRE/ DE LA GLACE DANS LA VODKA OU LA VIE EN CAVALE DANS UNE CABANE.

 imgres       Nouveau livre, nouvelle aventure de cet infatigable poète bourlingueur qu’est Sylvain Tesson. Cette tête brûlée a posé son rucksac sur les bords du lac Baïkal, dans une isba de bois. Une fois n’est pas coutume, cet impénitent voyageur va jouer le sédentaire de février à juillet 2010. Il vivra ainsi au rythme du crissement et autre craquement de l’eau gelée qui, telle une baleine, chante sa furieuse complainte au pas de la porte de sa maison en rondins. Il devisera lentement sur le temps qui se désagrège, ayant pris soin d’emporter avec lui un stock considérable de bouteilles de vodka et de livres…Ainsi, cet écrivain philosophe nous confie : le passionnant spectacle de ce qui se passe par la fenêtre. Comment peut-on conserver une télé chez soi ? Et une autre question que se pose l’ermite : Comment peut-on se supporter soi-même ?

Il vivra, au fil des mois, de ce drôle de compagnonnage avec des personnages rudes sortis de la taïga et de l’ombre menaçante des ours qui constituent les figures tutélaires des lieux. En Robinson Crusoë, Sylvain prendra le temps de se mettre à la marge pour cogiter et même analyser l’étymologie de son patronyme (en bris de verre) : Tesson, le fragment de quelque chose qui fut. Il conserve dans sa forme le souvenir de la bouteille…Il prendra ainsi le temps d’observer les mésanges, la Bouriatie voisine et ses levers et couchers de soleil, et se demandera Comment peut-on préférer mettre les oiseaux dans la mire d’un fusil plutôt que dans le verre d’une jumelle ?

Il recevra, comme un coup de semonce, un message d’adieu de sa compagne…Les femmes n’aiment pas trop ceux qui quittent leur port d’attache. Et comme un bon héritier de Raspoutine, il noiera ce billet (pas trop doux) dans la vodka…

                                                                                                                      Laurent BAYART

* Dans les forêts de Sibérie, de Sylvain Tesson, Gallimard, 2011 et Folio.

LAURENT FAIT DU « HORS PISTE » DANS LES VOSGES !

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Huit jours dans les Vosges, impossible de ne pas emmener le vélo !  Au programme quelques bonnes « crapahutes » sur les sommets vosgiens avec Thibaud, le fiston  webmaster et cycliste.  Ainsi, pendant cette heureuse huitaine, l’amoureux de la petite reine est devenu injoignable (sauf dans les rares tentatives d’échappée…) et surtout plus « facebookable » ! Exit les travaux d’écriture, on joue ensemble aux « mille bornes » ! Bonheur de l’instant et de l’alchimie de l’effort. Au programme : le sublime et majestueux Ballon d’Alsace, l’interminable montée et rampe du Ballon de Servance, quelques brouillons de cols et surtout la mythique – et désormais célèbre – Planche des Belles Filles, trésor de Haute-Saône et du Tour de France. Motivé comme jamais, j’ai vaincu mes angoisses de cette rampe à faire « péter les varices ».

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Moments de bonheur et de plénitude à l’arrivée au sommet. Et cette fraternité et autre compagnonnage avec un cycliste belge, heureux comme un enfant, qui s’est pris en selfie avec nous…Lui et son beau maillot à l’effigie d’une emblématique bière belge ! Moments d’éternité qu’on savoure comme un soleil sur un rayon de vélo…Que la vie est belle quand on roule avec elle…

BILLET D’HUMEUR / ACTE 25 / UN BESOIN DE POESIE

 

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Nous avons tous un besoin de poésie en nous. En ces temps perturbés où des urubus menaçants ne cessent de vriller nos espérances et de planer au-dessus de nos têtes, l’absence de sens et le vide qui aspirent les êtres humains nous empêchent de rêver et de nous élever. Le monde est devenu absence. Chacun vaque à ses occupations, course le temps et envoie nerveusement textos et mails. L’homme a perdu la tête sans pour autant avoir été décapité. Aujourd’hui le temps file et glisse mais ne passe plus. Lui aussi, a contracté la pathologie de la bougeotte. On a jeté la clepsydre pour la chorée d’un chronomètre. On veut l’excellence et la performance mais on oublie tout simplement d’aimer, et de prendre le temps … Qu’est-il devenu cet être humain qui abandonne son enfant dans la voiture, en pleine canicule ? A ne plus se rendre compte de la détresse qu’il côtoie dans la rue ? A ne plus saluer celui qui lui tend la main ? A ne plus embrasser ceux qui l’aiment ? Comment en être arrivé là. Si bas ?

Comme si tout basculait dans le néant, comme si les coupeurs de gorge étaient devenus des prophètes, comme si la barbarie ressortait d’un ADN perturbé. Nous sommes des oiseaux blessés. L’homme a perdu tout ce qui faisait l’enchantement du monde. Qui pour admirer la beauté des étoiles et des astres ? Qui pour observer le vol d’un papillon ? Qui pour s’émerveiller devant une libellule, un chat ou le frissonnement du vent dans les feuilles d’un arbre ? Nous allons désormais trop vite. Pour aller où ? Nous avons oublié le chemin, l’itinéraire et la destination.

Chaque pas pourrait nous emporter vers notre Compostelle. Avec au bout une cathédrale comme un fleuve de lettres. Tabernacle de poésie qui brille dans nos nuits. Les mots sont des lumières qui offrent à nos âmes des fragrances de bonheur. Choisissons la rose plutôt que les effluves de cendre !

Nous avons infiniment besoin de poésie. Et chacun la porte en soi, comme une lettre que l’on a omis d’affranchir. Un seul timbre suffirait pour la faire enfin voyager…Dans le fond, c’est tout ce qu’elle demande.

                                                                                                                      Laurent BAYART

LES INOXYDABLES PAROLES (prophétiques) DU NAVIGATEUR BERNARD MOITESSIER.


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 Son nom ne dit probablement plus rien au « grand public » (qu’a-t-il de si grand d’ailleurs ?), mais Bernard Moitessier (1925-1994) demeure un modèle pour les marins contemporains, connu aussi pour ses combats écologiques et sa philosophie altruiste. J’ai grappillé dans un ouvrage paru en 1986* quelques réflexions, finalement indémodables et prophétiques, sur notre société occidentale. Récit d’un tour du monde en solitaire réalisé en 1968/1969, il rédige le journal de cette incroyable aventure dont les réflexions restent d’une lancinante modernité : Je n’en peux plus des faux dieux de l’Occident toujours à l’affût comme des araignées, qui nous mangent le foie, nous sucent la moelle. Et je porte plainte contre le Monde Moderne, c’est lui, le Monstre. Il détruit notre terre, il piétine l’âme des hommes. Et plus loin :…le Monstre a pris le relais de l’homme, c’est lui qui rêve à notre place…Que dirait-il aujourd’hui à l’heure de l’immonde barbarie et de ce grand « lissage » planétaire où chacun s’efface dans le grand brouhaha du multimédia (immédiat) ? J’aime sa manière – tendre et poétique -d’appréhender cette terre qui nous échappe aujourd’hui et que nous ne comprenons plus : Comment leur dire que les bruits de l’eau et les bruits du silence et les bulles d’écume sur la mer, c’est comme les bruits de la pierre et du vent, ça m’a aidé à chercher ma route…/…Le leur dire sans qu’ils aient peur, sans qu’ils me croient devenu fou.

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Et puis, ces mots magiques rédigés près de ce mythique et impressionnant passage qu’est le Cap Horn : D’habitude la nuit n’est pas du noir pour moi. J’ai toujours aimé la nuit, il y a des tas de choses dedans qui parlent, qui chantent ou qui racontent. Mais là, j’avais eu peur. Une peur sourde qu’on ne peut définir et qui venait de ce que la nuit ne parlait plus…Métaphore de notre société contemporaine où la nuit devient muette et où l’on ne sent plus l’ombre menaçante de l’iceberg se diriger vers nous…

                                                                                                                Laurent BAYART

* La longue route, récit, de Bernard Moitessier (Arthaud, 1986, 2005).