Archives de catégorie : Blog-Notes

NOUS SOMMES TOUS SUR UN QUAI DE GARE…

Sur une photo de Némorin, alias Erik Vacquier.

          Attendre la silhouette d’une aventure en forme de train qui file et parfois défile devant nous. Les rails, tels de longs traits rectilignes et muets, partagent le silence de l’absence. Sur le quai, les bancs représentent des ostensoirs où nos corps patientent dans l’espérance d’une montée horizontale vers la quête d’une improbable destination. Dernière station d’un chemin de croix ? Les passagers sont des cierges sans lumière. Le ballast de la caillasse des traverses demeure, à l’image du sable granuleux des plages face à l’océan, à regarder sous les jupes des wagons et des voitures. Attendre cette locomotive qui pourrait nous propulser et nous emmener derrière ce point du paysage lointain, tel un rendez-vous. Sur le quai, un chef de gare attend, lui aussi, l’imaginaire de boggies qui pourrait le faire siffler en trilles d’oiseau sédentaire. Composter l’absolu, quelle vaste affaire ! C’est encore loin les îles ?

Un voyageur égaré cherche un billet pour y poser son voyage.

Dans quelle ville se fixer ? Pas facile de choisir, chacune d’elle offre aux passants/voyageurs ses reposoirs afin qu’ils puissent s’asseoir et attendre un autre train. Et partir, encore et toujours…L’infinie destinée des êtres humains.

Les gares sont des chemins qui se terminent par des bancs.

                                                               © Laurent BAYART

                                                3 février 2024

LES OLYMPIADES DE LA BENNE.

                                     Sur une photo de Jean-Claude Worringen,

          C’est un gloubi-boulga de cartons et de détritus hétéroclites abandonnés en vrac à même le sol, près de la grande hotte destinée à récolter vos papiers, emballages plastiques, bouteilles en verres et autres joyeusetés ménagères. Les « inciviles » ont laissé trainer leurs groins en mode cochon… ne se donnant même pas la peine (benne) de démantibuler cartons et cagettes pour les enfouir dans cette caverne d’Ali Baba, en destination de la grande déchetterie de l’Eurométropole. Stupeur et tremblements de ces tristes olympiades des poubelles qui font des œillades en œil poché de pirates des Cartonaïdes. Tristesse de découvrir ce genre « d’exploits » devenus coutumiers dans nos villes et villages. Désolation et consternation. Il faudrait décerner, à ces « athlètes » de l’incivilité, des médailles en plastique ou en verre, les déposer sur les podiums des bennes…pour écouter les hymnes olympiques et  hisser les drapeaux sur les hampes, sortis tout droit de la benne à tissu !

Gageons que ces tristes sires seraient capables de jeter leurs breloques sur le macadam qui jouxte ce semblant de podium !

  • Elle n’est pas benne la vie ?  semble chuchoter une poubelle voisine, vaguement courroucée de ne pas être utilisée.

              © Laurent BAYART

                  2 février 2024

ODE A L’INVISIBLE COMME UN RIDEAU Habité PAR LE VENT…

                                          Sur une photo de Némorin,

        Ce n’est pas vraiment le silence car, à écouter de près dans les connivences de l’air, on peut y percevoir comme d’étranges chuchotements en psalmodie de silence. Nos oreilles ressentent le mouvement de minuscules vibrations, des ondes qui fourmillent de mille vies. Sont-ce des étoiles en errance, poissons de lumière, pris dans les rets du rideau de la fenêtre grande ouverte ? Invisible présence d’un fantôme qui se serait glissé dans le tulle de ce voile ? 

Nous ne connaissons si peu de choses des palpitations et des mouvements de ces ineffables présences qui racontent les mondes disparus et pourtant si proches…

Je sens le tissu bouger à l’image d’une divine chorégraphie.

Est-ce le fait d’une brise ou d’un vent coulis espiègle qui viendrait animer la marionnette en tirant sur les fils ?

Derrière le rideau, un Dieu, Éole peut-être, se sent pousser des ailes ?

Un ange passe et me laisse un message, sur le post-it d’une plume.

                                             © Laurent BAYART

                                          31 janvier 2024

JE VOUDRAIS ETRE UN CHAT…

                                    Pour Alphonse et à mes autres petits enfants. Pour eux…avec la complicité (photographique) de Noëlle.

          A la regarder, déambuler langoureusement au fil de la maison, cette boule de poils semble me dévisager, me scanner, m’analyser, poser le point d’interrogation de son mystère et de son aura sibylline. Je suis le maître et pourtant…Rien qu’un (minuscule) géant de papier qui rédige et pose sa patte ou plutôt sa griffe sur ce texte…C’est elle qui dicte mes pas et semble me dominer et…m’apprivoiser. Curieusement, j’ai l’impression d’être son serf, son serviteur, voire son laquais… Et parfois, je me dis : – Je voudrais bien être un chat ! Et remplir l’espace de ma présence en mode vibrisses et coussinets.

Et comme je l’ai avoué l’autre jour à Alphonse, mon petit-fils, qui s’est bien marré : – Alphonse, si un jour tu as un chat, ce sera moi, transformé en félin d’appartement, réincarné en matou de canapé à te protéger, à vivre avec toi, à être ton (chatoyant) ange gardien, car tu sais, on ne meurt jamais…On se transforme, sous les doigts de la baguette enchantée du grand Magicien ! On devient autrement, autre chose, « autrequi ». 

Alors, tu me caresseras, tu me feras des câlins et des bisous et moi, je ronronnerais d’aise, de joie et d’amour.

Car les chat sont des cierges qui mettent de la lumière dans nos maisons. 

Oui, je serai là, ne me cherche pas au cimetière ou ailleurs. Je serai infiniment loin, comme le sont les étoiles, mais aussi tout simplement si près, comme le sont ceux qu’on aime.

Tu sais, après tout, les cloisons de l’invisible ne sont pas si épaisses que ça…

                                                                 © Laurent BAYART

                                                26 janvier 2024

FESTIVAL INTERNATIONAL DES CINEMAS D’ASIE DE VESOUL/ TRENTE ANS D’ASIE OU LA PASSION QUI PREND LA ROUTE DE LA SOIE.

Illustration Marie Melcore

          Incroyable route de la soie devenue route de soi…qu’ont déroulé et coulé, avec le goudron des pellicules cinématographiques, ces aventuriers/arpenteurs de terra incognita que sont Martine et Jean-Marc Thérouanne, en créant le Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul en 1995. Mark Twain aurait déclaré : Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait ! Cette affirmation aurait pu être destinée à ces passionnés de septième art…

Fonder un festival international dans la capitale de la Haute-Saône fut une véritable folie et utopie, ses organisateurs inspirés rappelant, avec justesse, que le cinéma est le miroir et le témoin de notre époque. Pari gagné ! en sachant que le public n’a cessé d’affluer en nombre (avec une kyrielle de jeunes collégiens et lycéens !) dans les travées des salles du Multiplex Majestic de Vesoul (700.000 spectateurs depuis sa création !) en dépit de toutes les possibilités offertes aujourd’hui de regarder autrement que dans une salle de cinéma des films, appréciant de pouvoir les voir sur grand écran…Et si ce n’était pas – finalement – cette inexorable soif de rencontres, de partages et de se retrouver tout simplement comme des éléments et maillons d’une famille qui se reconstitue, à l’heure de l’Intelligence Artificielle où l’homme s’efface, peu à peu, derrière la froide technologie des mondes artificielles de science-fiction qui deviennent d’une improbable  (et glaçante) réalité ? 

Je rappelle que votre humble serviteur avait écrit dans ce livre/récit V’asie à Vesoul ! (Publié à l’occasion des 25 ans de cet événement) : Ce festival, où chaque spectateur porte un nom ! Outre la qualité, l’originalité et l’excellence des films présentés, n’y a-t-il pas aussi l’ambiance chaleureuse, conviviale et familiale qui constitue peut-être une des clefs de voûte de son succès ?

Cette nouvelle édition se révèle être aussi un improbable défi à l’heure où la planète subit un indéniable « bleu de chauffe » avec le réchauffement climatique qui menace l’être humain et la nature, mais aussi avec les brûlis de cette barbarie et autres bruits de bottes surgissant des vieux travellings et films nauséabonds de l’histoire…

Ce festival, à l’image de chaque création culturelle, est une manière de répondre aux sombres menaces de l’actualité car « la beauté sauvera le monde ! » pour que le mot fin n’apparaisse pas encore à l’écran…

Voici une nouvelle échappée de lumière qui s’offre à nous, afin de nourrir notre esprit et notre corps en version originale et sous-titrée !

                                                                    © Laurent BAYART

  • Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul, du 6 au 13 février 2024.
  • www.cinemas-asie.com

CHEMIN TRAVERSIER

                                                                A Véronique, sur une photo de Marie Bayart.

         

Tant d’années à marcher côte à côte, à mêler nos pas comme les mains se rejoignent dans la prière de l’éphémère. Se brinquebaler telles des gommettes du minuscule en des phrases tendues et jouer les équilibristes sur le fil d’une marche tronquée, élimée, qui s’étrangle à arpenter les chemins de traverse. Boiter jusqu’au ciel comme l’écrivait l’ami Albert Strickler, mais avancer tout de même parce qu’il faut bien arriver jusqu’à cet autel qui se trouve au bout de la sente et ouvrir l’agenda du soleil sur une aube nouvelle. 

Avancer en tricotant nos pas en les conjuguant ensemble parce que nos baisers s’inscrivent aussi sur cette piste, à l’image de ces petits édifices de pierres que sont les cairns, afin de marquer notre passage dans le duo des serments partagés. Être à deux, encore et toujours, en renouvelant cette promesse de continuer chaque jour à émerveiller l’instant.

Nos semelles, tels les synonymes des doigts de nos mains, portent, quelque part, aussi nos alliances sur l’annuaire de nos pieds.

Mettre au(x) pas aussi notre belle histoire d’amour.

Que reste-t-il encore de route à parcourir ? Notre boussole qu’est notre âme reste muette à ce sujet, Dieu pose ses doigts sur nos lèvres : –Chut, il ne faut pas révéler le mystère de la destinée ! 

La vie est un livre dans lequel le point final s’est caché…

Silence habité qui illumine le cantique de notre amour et nous fait marcher jusqu’au bout de cette voie qui n’a finalement pas de fin.

                                                                    © Laurent BAYART

                                                                            23 janvier 2024

LIVRE/ UN RAVISSEMENT DE LIBRAIRIE A LA MANIERE DE SATOSHI YAGISAWA.

          Campée à Jinbôchô dans le quartier des bouquinistes de Tokyo, ce capharnaüm à livres se révèle être une caverne d’Ali Baba dans laquelle la jeune Takako, à la suite d’une déception amoureuse, s’installe invitée par son oncle Satoru, lui proposant de l’aider à tenir les brides de sa boutique sanctuaire.

Belle et délicieuse histoire à l’odeur de vieux papier, à l’image de la chambre à l’étage dans laquelle elle s’installe : -ça pue la moisissure ! …/…-Je préférerais que tu dises que l’air est aussi humide qu’un matin après la pluie…rétorque le propriétaire du lieu. La chambre est une énorme malle à livres : J’ai bien cru m’évanouir, en arrivant à l’étage. On pouvait difficilement faire un pas dans la pièce, car tous les ouvrages qui ne rentraient pas dans les rayons, et qui constituaient le stock de la librairie, avaient été empilés là…Que peut-on faire dans un endroit pareil, sinon lire ! Le jour commençait à se lever. Mais mes doigts ont continué à tourner les pages. Le cœur brisé de la jeune femme, délaissée par Hideaki, se « répare » peu à peu grâce à la caresse charnelle des feuilles de livres qui sont comme un baume appliqué à son corps.  -J’aime cette librairie. De tout mon cœur avoue-t-elle.

Ouvrage délicat. Lignes délicieuses qui passent comme des ondes bienfaisantes sur notre âme vagabonde : Je veux que tu me fasses une promesse, Takako. Promets-moi de ne pas avoir peur d’aimer. Aime les autres, autant que tu peux. Même si l’amour va parfois de pair avec la tristesse, une vie passée sans aimer est une vie morne…

Un livre « paisible » et bienveillant écrit par Satoshi Yagisawa, jeune auteur né en 1977, qui publie-là son premier roman. Et comme une suite naturelle à ce livre qui a le goût du bonheur tranquille, il avoue avoir un goût prononcé pour les chats, la guitare et le café…On aurait envie de rajouter : et les librairies !

                                                                    © Laurent BAYART

  • La librairie Morisaki de Satoshi Yagisawa, Editions Hauteville, 2023.

LA GUERRE, UNE GRIMACE FAITE A LA TENDRESSE ET A L’AMOUR.

Photo de Nemorin, alias Erik Vacquier.

          Que faudra-t-il faire pour que cesse enfin le bruit des canons et de la mitraille qui bousculent la majuscule que l’être humain essaie de poser sur le monde ? Combien de dévastations pour satisfaire cette inextinguible soif de ruines et de dévastation, cette danse de mort qui joue son triste tango sur nos humanités ? Jadis, Robert Charlebois, Gilles Vigneault et Félix Leclerc chantaient : Quand les hommes vivront d’amour, il n’y aura plus de misère, les soldats seront troubadours, et nous nous serons morts mon frère !

Le monde glisse encore et toujours dans ce grand tohu-bohu qui macule les plumes des colombes du goudron noir des bourrasques et de nos sombres turpitudes. Les urubus planent sur nos espérances. Ils ont rogné le rameau d’olivier.

Mais, les poètes et les hommes continuent de scander et de psalmodier les cantiques de l’amour !

Demain, des temps nouveaux se lèveront et de nos cicatrices naitront des lèvres qui embrasseront cette vie qui mérite tant le soleil, comme la lumière du tabernacle.

Et poser enfin ses mains dans celles de l’autre. Pour que l’arme et les larmes soient glissées par terre… 

Pour y mettre l’âme de cette paix qui n’a pas d’autre destinée que de s’inscrire dans nos lendemains.

                                                      © Laurent BAYART

                                          21 janvier 2024

LIVRE / LE PARFUM D’IRAK ET DE BAGDAD DE FEURAT ALANI.

          D’abord, esthétiquement parlant on pense à une espèce de zest romanesque en forme de bande dessinée, mais ce « roman graphique », signé par Feurat Alani et l’illustrateur Léonard Cohen, constitue une œuvre originale et totalement atypique. Cette édition soulève la curiosité et l’enthousiasme du lecteur par la manière d’évoquer l’Irak et la guerre du Golfe, vécue de « l’intérieur ». L’auteur est né à Paris en 1980 de parents irakiens. Journaliste, il a été correspondant pour une chaîne de télévision, ainsi que d’un certain nombre de journaux de la presse écrite. Ce Parfum d’Irak a obtenu le Prix Albert Londres en 2019, ce qui constitue déjà une (belle) référence…

C’est une approche singulière que cette forme « littéraire », pareille à des haikus, « Feurat a fait une chose à la fois simple et singulière. Il a exposé l’âme d’un peuple en 140 signes, qu’il a multiplié par mille. 140.000 signes… » L’ouvrage déroule ainsi une curieuse narration en phrases cursives qui raconte la vie chahutée et cette barbarie quotidienne, ponctuée par les voitures piégées et les bombes qui éclatent au hasard de l’horreur. Un pays fracassé où les glaces et les sorbets étaient interdits par Saddam Hussein en 1995…Etat où le roi Ubu se pare d’attributs religieux pour danser sur la tête de ses habitants. D’ailleurs, à ce propos, ne dit-on pas de quelqu’un qu’on apprécie « Je te mets sur ma tête » (A Khalik Ala Rassi). Magnifique description de Falloujah, « la cité des Mosquées » ou de cet Euphrate mythique transformé en réfrigérateur : « Le passe-temps des jeunes, dit mon père, était d’enfouir des pastèques au fond du fleuve. Pour les récupérer bien fraîches le soirs d’été ». L’Irak passé de la « libération à l’occupation américaine » où une certaine Madeleine Albright, ambassadrice à l’Onu, aurait dit « sans honte que la mort de 500.000 enfants irakiens valait le coup » ??? Plus loin « Sur le tarmac, on aperçoit leurs hélicoptères de combat. Apocalypse Now à Bagdad. L’auteur écrira à la ligne 370 de ses tweets : « Je me laisse envahir par la colère, par l’impuissance et l’injustice. Je ne connais pas de plus grande souffrance que l’injustice ». 

Ce livre est tout simplement sublime et superbe car il narre l’instant et l’histoire d’une manière particulière. « L’Irak n’est pas un chiffre, ni une morgue. Raconter la mort quand c’est nécessaire, oui. Mais il faut raconter la vie, avant tout ». Pari réussi.

                                                               © Laurent BAYART

  • Le parfum d’Irak de Feurat Alani, illustrations de Léonard Cohen, Arte Editions / éditions Nova, 2018.

UN DUO MUSICAL COMME LE TEMPO/TANGO DES ABEILLES QUI BUTINENT DANS LES BIBLIOTHEQUES DEVENUES RUCHES…

                      A Nicolas Meyer et Etienne Cremmel,

        La musique coule et lutine dans le nectar et le miel des bibliothèques qui se transforment en véritables ruches/ riches de ses partitions qui volent tels des papillons en volutes de notes. Trompette et guitare électrique mènent la danse en émerveillant la conque des oreilles des spectateurs. Le duo des connivences joue comme on raconte une histoire et l’écrivain – quant à lui – devient celui qui accompagne la syntaxe du solfège, scribe faisant planer ses mots sur le cerf-volant de la parole. Oralité qui fait chanter et pulser la grammaire et le vocabulaire ne représentant, encore et toujours, que de la musique en phrases, sortie d’un ouvrage. On appelle cela de la littérature…

Trompette sans Jéricho et guitare en cordes à sauter faisant vibrer la salle, d’airs balkaniques, glissades de jazz, et d’envolées rockn’rollesques…Des airs qui font taper du pied et battre la mesure sur le carrelage ou le parquet, mais les danseurs/auditeurs restent sagement assis sur leurs chaises…Danseurs de l’immobililité.

La bibliothèque s’apparente à une ruche où chaque abeille s’abandonne à butiner le pollen des livres.

                                                      © Laurent BAYART

                                                 18 janvier 2024